jeu.

17

août

2017

Réflexions libres sur le comportement du cobra royal (眼鏡王蛇), Ophiophagus hannah, relativement au rapport des hommes envers lui

Dans le Guangxi, Chine 2017 ©AYMERICH Michel
Dans le Guangxi, Chine 2017 ©AYMERICH Michel

Par Michel AYMERICH

 C'est l'espèce de cobra pouvant devenir la plus grande et aussi devenir le plus long serpent venimeux du monde.

 Le plus grand exemplaire, connu et mesuré au zoo de Londres, atteignait 5,71 m !

 Cela signifie la possibilité et même la probabilité de l'existence d'individus plus grands encore...

 Sa venimosité est légendaire. On le dit capable de tuer un éléphant ou plusieurs hommes. Il y aurait beaucoup à dire sur le caractère de ces affirmations, de nature essentiellement spectaculaire.

 Les informations qui circulent sur le cobra royal sont souvent lacunaires et me paraissent surtout tendancieuses, dès qu'il s'agit de son comportement. Les assertions selon lesquelles ce serpent serait particulièrement « agressif » et les vidéos qui viennent accorder un semblant de confirmation par l'image à ce qui est devenue une croyance largement partagée ne sont pas rares dans les pays sous influence majeure d'un ou d'un autre monothéisme.

Dans le sud de la province du Yunnan, dans la région du Xishuangbanna, une mère de famille et son fils adulte me racontèrent très détendus que près de chez eux vivait un grand cobra, sans doute d'après la description un cobra royal. Eh bien, ils n'en étaient pas le moins du monde dérangés!

 J'ai eu l'occasion de vérifier de visu ce qu'il en était réellement de «l'agressivité» des représentants de cette espèce, lors de trois voyages en Chine. Surtout, j'ai eu le plaisir et la chance insigne de manipuler, et cela récemment, plusieurs cobras royaux élevés dans une ferme d'élevage du sud de la région autonome du Guangxi.

 Je ne croyais pas la chose véritablement possible, bien qu'un vague sentiment me laissait penser que peut-être les choses n'étaient pas aussi simples. En général, les croyances populaires sont rarement source de savoir fiable. Et dans les pays imprégnés de monothéisme, les préjugés envers les ophidiens laissent encore moins de place à une ouverture d'esprit qui exclut leur diabolisation...

 N'avais-je pas, toutefois, publié une photo troublante alimentant un diaporama illustrant l'article suivant « Capture d'un cobra au Maroc »? Une photo qui m'avait été envoyée par un ami chinois, laquelle avait suscité en moi un étonnement et un début de questionnement sur la faisabilité d'une manipulation sans crainte des cobras royaux. En effet, cette photo ne représentait-elle pas un homme brassant littéralement des cobras royaux ?!

J'avais, certes, cette photo quelque-part enfouie dans ma tête, mais la chose me paraissait demeurer irrémédiablement de l'ordre de l'impensable. Je ne parvenais pas à tirer de conclusions contredisant clairement l'image que l'on donne d'un serpent inévitablement « agressif ». Mon inconscient culturel était encore le plus fort...

En même temps, les cobras royaux me rappelaient assez les couleuvres de Montpellier, Malpolon monspessulanus. Ces deux espèces ont en commun d'être agiles, d'avoir plutôt une bonne vue et de pouvoir observer de loin, d'être volontiers ophiophages (mangeurs de serpents). Leurs tempéraments me semblaient pouvoir offrir quelques points de ressemblance.

 Mais jusqu'où pouvait aller cette toute relative ressemblance ? Jusqu'au comportement envers les hommes?

 J'avais observé au Maroc chez des couleuvres de Montpellier qu'une fois qu'elles ont cessé de mordre, elles ne mordent plus jamais. Au point de pouvoir les placer dans un milieu naturel, les reprendre et les manipuler sans aucune tentative de leur part de mordre comme elles l'avaient fait au moment de leur capture. Ces couleuvres, pourtant d'origine sauvages, s'habituent à ce point à la présence humaine qu'elles acceptent après avoir été déposées en pleine nature de saisir et d'ingurgiter des proies trouvées mortes sur la route. Une grande représentante saharienne de cette espèce, d'une taille de plus de deux mètres, avait même été jusqu'à aller retrouver une gerboise que je lui avais fait sentir quelques minutes plus tôt. Alors que je l'a tenais en main, elle avait senti en dardant une langue intéressée la gerboise tuée accidentellement par une voiture. Puis lâchée à deux mètres de distance du rongeur, elle avait entrepris de le retrouver et l'avait avalé sans se soucier ni de ma présence ni de celle d'une équipe de télévision... Il s'agissait pourtant dans ce cas, comme dans les autres, d'un serpent sauvage !

 Pourquoi donc des cobras ne pourraient-ils pas eux aussi se comporter de manière similaire ?

«Agressif», le cobra royal?

 Concernant le cobra royal, la question me semblait devoir demeurer Ad vitam æternam sans réponse satisfaisante dans la mesure où, me semblait-il, personne ne pouvait risquer sur la durée une manipulation pareille à celle réalisée avec une couleuvre afin de vérifier la chose.

 Pourtant, en toute logique, j'aurais dû avoir à l'esprit que la photo de ce Chinois brassant littéralement des cobras royaux, ses pieds dans des sandales recouvertes eux-aussi de cobras, contredisait de manière décisive l'image dominante. Mais voilà, j'avais été confronté une première fois à un encore jeune cobra sauvage de 1,60 m qui s'était comporté comme une furie incontrôlable. Puis quatre ans plus tard j'avais visité une ferme dont l'éleveur manipulait ses cobras avec une prudence extrême à l'aide d'une pince et d'un gant de protection. Ses cobras se comportaient avec lui, comme entre-eux (!), avec une grande nervosité. J'avais aussi, avant et après ces expériences, vu ou revu des vidéos et des photos qui semblaient démontrer que voilà bien une espèce qui demeurerait inaccessible aux manipulations autres que celles consistant à maîtriser le serpent par la tête ou du moins en tenant celle-ci à bonne distance d'une morsure...

 Pourtant, lors de mon dernier séjour en Chine où j'ai visité une nouvelle ferme à cobras, quelle ne fut ma surprise de découvrir que j'avais intériorisé un préjugé. Alors que d'habitude si attentif à déconstruire les bases culturelles et psychologiques des préjugés relatifs aux mal-aimés que sont serpents, scorpions et araignées, je n'avais pas échappé cette fois-ci à celui de la perception du cobra royal comme espèce nécessairement « agressive ». Si tant est, par ailleurs, que ce concept soit doté d'une quelconque logique, lorsqu'il s'agit de qualifier non pas un comportement d'agression intentionnelle, mais une réaction purement défensive. Que dirait-on d'un homme jugé pour tentative de viol qui dirait de sa victime potentielle : «Elle était agressive!»

 La prise de conscience que ma perception n'était qu'un préjugé a commencé de la manière suivante. Je visite une ferme afin d'y réaliser quelques photos de cobras royaux que j'espère d'une taille plus grande que ceux qu'il m'avait été donné de voir lors de mes séjours précédents en Chine. Je rentre dans un enclos et commence à réaliser quelques clichés. Devant mon hésitation à m'approcher de très près, les Chinois, une jeune femme et deux jeunes hommes -tous les trois sûrs d'eux et souriants-, me rassurent et m'encouragent à me rapprocher. Je ne suis pourtant pas loin du tout des serpents et ne comprends pas vraiment la signification de leurs mots rassurants.

Une fois sorti de l'enclos, je dis que j'ai vu un cobra un peu plus gros, mais resté caché dans son abri. Je pose la question. Y a-t-il un plus grand cobra que ceux là ?

 Les jeunes éleveurs me répondent que oui avec sourire et je suis invité à entrer dans un autre enclos, lequel jouxte le premier. Enfin ! Je vois avec fascination un grand cobra comme j'espérais tant en voir. Je demande si je peux le photographier à l'extérieur de l'enclos. Les jeunes éleveurs acquiescent, toujours avec leur sourire amical et désireux de faire plaisir...

 L'un deux sort le bel animal. Celui-ci se trouve dans la phase précédent une mue très prochaine. Déjà, ses yeux ont perdu leur opacité. Ils n'ont maintenant plus cette coloration bleutée caractéristique des serpents qui vont muer. Le serpent peut de nouveau voir normalement. Il va donc bientôt muer. Il muera tout juste après mon départ. Oh, malchance. J'aurais tant préféré le photographier dans toute sa splendeur !

 Comme on peut le voir sur les photos qui accompagnent mon article, j'ai réalisé une série de clichés et m'étais « risqué » (croyais-je encore à ce moment) à tenir à bout de bras le grand cobra en espérant qu'il déploie sa coiffe en se tenant dressé très haut. Mais déjà lors de la séance photographique précédente, le serpent ne voulait pas se tenir haut, ne déployant sa coiffe que sans grande conviction. Il ne se sentait pas particulièrement menacé. Il ne soufflait pas, il n'ouvrait pas sa gueule pour m'impressionner ni ne me chargeait pour me contraindre à reculer. Une seule fois, car je le provoquais vraiment trop, il avait donné un petit cou de tête sur ma chaussure.

 Ce cobra est en fait habitué à être manipulé et ce faisant ne craint pas l'homme. Lors de ma première séance de photos, j'avais entendu (cela m'était traduit par mon accompagnatrice chinoise qui est bilingue) : «N'aie pas peur ! Sois sans crainte...» et « N'aie pas peur ! Sinon, il sent ta peur... ».

J'entendais, mais ne comprenais décidément pas la vraie signification de leurs mots, car je n'avais pas peur, mais restais très prudent. Je voulais tout simplement ne pas risquer d'être mordu. En fait, ce serpent, comme les autres, n'était pas disposé à mordre. Il ne mordait jamais.

Je ramène le grand cobra dans son enclos ou bien il changea de main et fut ramené. C'est un détail qui échappe maintenant à ma mémoire.

  Puis Miss Chong rentre de nouveau dans le premier enclos qui contient peut-être une vingtaine de cobras royaux. De ceux que j'avais commencé au tout début à prendre en photo. Elle ramasse nonchalamment l'un deux. Je fais quelques photos, étonné de son aisance à le manipuler. Comme s'il s'agit d'une couleuvre.

 Elle sort avec lui hors de l'enclos. Maintenant, à leur tour les deux autres éleveurs chinois ramassent chacun un cobra et sortent avec. On me rassure en me les donnant. Je n'ai rien à craindre, insistent-ils à l'unisson. Je me laisse convaincre. De toute façon, je vois bien qu'ils manipulent sans crispation leurs cobras. Puis d'autres cobras sont amenés.

 Maintenant, je ne sais plus combien entourent mon cou. Quatre, cinq ?

 Je laisse les cobras utiliser les parties de mon corps comme autant de support. Je ne les serre jamais. Ainsi, je le sais, tout risque est exclu...

 Le fait que les morsures par cobras royaux dans cet élevage en Chine (et dans d'autres?) où ces serpents sont manipulés très jeunes ne semblent pas à déplorer indiquerait une certaine ressemblance au niveau comportemental avec les couleuvres de Montpellier évoquées plus haut. Il semblerait ainsi que les deux espèces soient opportunistes en ce sens qu'elles savent dans une certaine mesure s'adapter à des situations différentes. Toutefois, différence notable chez ces couleuvres, l'adaptation opportuniste se fait même chez des adultes sauvages ayant donc vécu indépendamment des hommes. Serait-ce possible avec des cobras royaux ?

 Il me semble avéré que toutes les espèces de serpents, même nées en captivité et traitées avec douceur, n'ont pas comme chez les cobras royaux cette forme d'intelligence consistant à ne pas reproduire systématiquement un même comportement défensif. Mais bon, ce ne sont là dans l'ensemble que des réflexions spontanées qui ont le défaut (et la qualité) de n'être pas soumises au filtre d'une prudence stérilisatrice quant à l'exposé de leur teneur...

 PS:

 Toutefois, une mise en garde! La manipulation des cobras royaux est déconseillée. Les manipulations visibles ici ont été rendues possibles dans des conditions particulières. Les cobras sont tous nés en captivité et habitués très jeunes à être manipulés avec douceur. Ne cherchez pas à reproduire ces manipulations de manière inconsidérée...

Photos exposées dans leur ordre chronologique correspondant au texte de l'article...

Petite vidéo de "Miss Chong" (novembre 2017, Chine) caressant son cobra royal...

Voici une courte vidéo que m'a envoyée « Miss Chong », laquelle offre une illustration supplémentaire de deux idées complémentaires. L'une, l'idée qu'en Chine plus qu'en « Occident » judéo-chrétien et en « Orient » islamique, un rapport libre de tout préjugé culturel d'origine monothéiste est possible. L'autre idée est que le Cobra royal (Ophiophagus hannah) est une espèce qui se laisse particulièrement bien manipuler lorsqu'elle y a été habituée depuis la naissance...

Le serpent présenté est le même que celui qui regarde de face dans la photo où l'on me voit avec plusieurs cobras et celui qui est tenu devant un ordinateur par une personne en Chine.

A propos de notre perception inconsciente, en tant qu'héritiers de cultures imprégnées de monothéisme...

Androctonus amoreuxi, Sahara (Maroc) ©AYMERICH Michel
Androctonus amoreuxi, Sahara (Maroc) ©AYMERICH Michel

 Notre perception est culturellement surdéterminée par l'imprégnation entretenue par l'un ou l'autre monothéisme. Cette perception se retrouve enfouie profondément dans l'inconscient culturel à la base d'histoires aussi largement popularisées qu'elles transmettent un message faux et nuisible.

 En voici deux exemples connus :

 Le laboureur et le serpent gelé

 « Un laboureur trouva dans la saison d’hiver un serpent raidi par le froid. Il en eut pitié, le ramassa et le mit dans son sein. Réchauffé, le serpent reprit son naturel, frappa et tua son bienfaiteur, qui, se sentant mourir, s’écria : « Je l’ai bien mérité, ayant eu pitié d’un méchant. »

 Cette fable montre que la perversité ne change pas, quelque bonté qu’on lui témoigne. » (Fables d’Ésope)

 La fable du scorpion et de la grenouille

 « Un scorpion et une grenouille se rencontre sur la rive d'une rivière. Le scorpion se tient à distance respectable et s'adresse à la grenouille.

 Scorpion : J'aurais un service à vous demander madame la grenouille.

 Grenouille : Allez y ça pourrait peut être m'intéresser.

 Scorpion : Voilà, je dois absolument traverser la rivière car j'ai un rendez-vous important de l'autre coté de la rive et je suis déjà en retard. Donc je me demandais si vous pourriez me prendre sur votre dos pour me faire traverser la rivière, car vous savez que nous les scorpions nous ne savons pas nager.

 Grenouille : Mais voyons monsieur le scorpion - tout le monde sait bien que la piqûre de votre dard est mortelle et que si je vous prends sur mon dos je risque la mort.

 Scorpion : Mais voyons madame la grenouille un tel raisonnement n'est pas digne de votre intelligence - si je vous pique je vais moi aussi couler avec vous au fond de la rivière et au risque de me répéter nous les scorpions nous ne savons pas nager.

 La grenouille se laisse convaincre et prend le scorpion sur son dos et nage vers l'autre rive de la rivière.

 Rendu au milieu entre les deux rives la grenouille sent le dard du scorpion s'enfoncer dans son dos.

Avant de couler elle s'adresse au scorpion

Grenouille : Mais pourquoi scorpion m'as tu piqué - ton incapacité à nager vas te condamner à une mort certaine.

 Scorpion : Tu m'excuseras grenouille mais c'est dans ma nature! »

(SOURCE:http://yvesisabelle.com/blog/blog1.php/2010/06/29/la-fable-du-scorpion-et-de-la-grenouille)

Non, les scorpions ne piquent pas inévitablement. Ce n'est pas dans leur nature de piquer systématiquement. Ainsi peut-on même les tenir en main, refermer la main doucement sur le scorpion sans se faire piquer. L'arachnide se sent alors protégé du vent et du soleil. Je l'ai fait de nombreuses fois pour le démontrer...

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mar.

13

oct.

2015

"Caresses" provoquant une sorte de catalepsie chez le Cobra d’Égypte.

"Caresses" vigoureuses par l'auteur de la nuque d'un cobra d'Egypte au Maroc... Photo P. Roussard.
"Caresses" vigoureuses par l'auteur de la nuque d'un cobra d'Egypte au Maroc... Photo P. Roussard.

 

"Caresses" provoquant une sorte de catalepsie chez le cobra d’Égypte

 

Par Michel AYMERICH

 

Les anciens hébreux semblaient connaître ce phénomène d'apparente catalepsie chez les cobras d’Égypte après qu'ils aient été caressés vigoureusement au niveau de la nuque. D'où alors la légende qui n'en serait plus vraiment une de la transformation d'un "bâton" en serpent par Moïse (et donc inversement...). Le "bâton" ne serait donc que la description sous forme de parabole de ce phénomène propre au cobra d’Égypte (Naja haje haje), dont la sous-espèce N. haje legionis presque entièrement noire à l'âge adulte est présente dans une partie du Maroc et au nord-est de l'Algérie.

 

En effet, les représentants de cette espèce (des deux sexes?) présentent cette particularité de s'immobiliser et devenir extrêmement "dociles", aisément manipulables une fois fermement caressés au niveau de leur nuque, comme la vidéo et le diaporama suivants l'illustrent.

 

Ils semblent alors se raidir. Des scribes ont pu alors dans le passé décrire ce phénomène en langage imagé comme une transformation en "bâton" !

 

Cuvier, dans son ouvrage de 1829, Le règne animal (Tome 2, page 93), rapporte le phénomène dans sa description du cobra d’Égypte : "Les jongleurs du pays savent, en lui pressant la nuque avec le doigt, mettre ce serpent dans une espèce de catalepsie qui le rend roide [Ancienne forme de raide. M.A.] et immobile (le change en verge ou en bâton) [Parenthèses et italiques dans l'original. M.A.]. "

 

On peut donc supposer une grande ancienneté à cette connaissance qu'ont actuellement conservé les membres de la confrérie marocaine que sont les Aïssawa [1]. Il est par ailleurs intéressant d'observer que Aïssawa et « charmeurs » de serpents en Inde adoptent des comportements culturels similaires, exceptée cette technique consistant à provoquer une sorte de catalepsie chez les cobras....

 

Les anciens hébreux maîtrisaient apparemment déjà la même technique. Mais il n'étaient probablement pas à l'origine de ces comportements culturels, quoique la culture hébraïque soit l'une des plus anciennes au monde...

 

Auraient-ils été alors des passeurs d'un savoir (celui d'une maîtrise des cobras) qui s'est disséminé et a perdu tout lien culturel avec ses origines? Auraient-ils exporté en Inde ou à l'inverse importé de ce pays la pratique de la manipulation des cobras ? Questions peut-être sans réponse définitive ou satisfaisante. Il demeure ce fait qu'ils ont consigné ce phénomène présenté sous la forme de la transformation d'un "bâton" en serpent (et inversement...) par Moïse (et Aaron) voulant impressionner le pharaon [2].

 

Il semblerait qu'uniquement l'espèce Naja haje manifeste une telle réaction d'apparence cataleptique... A ma connaissance, les autres espèces de cobras et de serpents en général ne réagissent pas comme cela à des "caresses" au niveau de la nuque...

 

La plus ancienne représentation de Moïse et d'un serpent (un tesson datant de 100 ap. J.-C. Voir ci-dessous, Tiré à part: La plus ancienne représentation de Moïse, dessinée par un Juif vers 100 ap.J.-C. (Note d'information) Par Mme Hélène Cuvigny) laisse penser qu'il s'agissait bien d'une manipulation de cobra.

 

Ce ne peut être une vipère au corps plus massif en rapport avec la taille. Une vipère d'aspect relativement élancé comme une vipère des pyramides est de taille beaucoup plus petite. Une couleuvre quant à elle ne nécessiterait pas d'être tenue au cou. Mais surtout peut-être, la représentation d'un élargissement au-dessous du cou, très caractérisée sur l'image, laisse penser à une tentative de représentation de l'élargissement de la coiffe d'un cobra.

 

D'ailleurs, dans le contexte culturel égyptien, il n'est pas pensable qu'une autre espèce de serpent ait pu prendre la place du cobra vénéré. Et aucun autre ophidien dans ce pays n'aurait pu se prêter à l'expression imagée d'un serpent se transformant en "bâton"...

 

Notes:

 

[1] "La confrérie est un ordre mystico-religieux fondé à Meknès au Maroc par Muhammad Ben Aïssâ (1465-1525/ 882-933 H.) [...] Outre le Maroc, la confrérie est présente sous une forme institutionnelle en Algérie, en Tunisie, en Libye, en Égypte, en Syrie et en Irak." (Wikipédia)

[2] " Le bâton changé en serpent (Exode 7.1-13)

7 L’Éternel dit à Moïse: «Regarde, je te fais Dieu pour le pharaon, et ton frère Aaron sera ton prophète.

2 Toi, tu diras tout ce que je t'ordonnerai et ton frère Aaron parlera au pharaon pour qu'il laisse les Israélites partir de son pays.

3 De mon côté, j'endurcirai le cœur du pharaon et je multiplierai mes signes et mes miracles en Égypte. 4 Le pharaon ne vous écoutera pas. Je porterai la main contre l’Égypte et c'est par de grands actes de jugement que je ferai sortir d’Égypte mes armées, mon peuple, les Israélites.

5 Les Égyptiens reconnaîtront que je suis l’Éternel lorsque je déploierai ma puissance contre l’Égypte et ferai sortir les Israélites du milieu d'eux.»

6 Moïse et Aaron se conformèrent à ce que l’Éternel leur avait ordonné, c'est ce qu'ils firent.

7 Moïse était âgé de 80 ans et Aaron de 83 ans lorsqu'ils parlèrent au pharaon. 8 L’Éternel dit à Moïse et à Aaron: 9 «Si le pharaon vous dit: 'Faites un miracle!' tu ordonneras à Aaron: 'Prends ton bâton et jette-le devant le pharaon.' Le bâton se changera alors en serpent.»

10 Moïse et Aaron allèrent trouver le pharaon et se conformèrent à ce que l’Éternel avait ordonné: Aaron jeta son bâton devant le pharaon et devant ses serviteurs, et il se changea en serpent.

11 Cependant, le pharaon appela des sages et des sorciers, et les magiciens d’Égypte, eux aussi, en firent autant par leurs sortilèges.

12 Ils jetèrent tous leurs bâtons et ceux-ci se changèrent en serpents. Mais le bâton d'Aaron engloutit les leurs. 13 Le cœur du pharaon s'endurcit et il n'écouta pas Moïse et Aaron. Cela se passa comme l’Éternel l'avait dit."


Ci-joint en format PDF, Tiré à part : La plus ancienne représentation de Moïse, dessinée par un Juif vers 100 ap.J.-C. (Note d'information). Par Mme Hélène Cuvigny.

La plus ancienne représentation de Moïse, dessinée par un Juif vers 100 ap.J.-C.
98113_CRAI_2014-1_11_Cuvigny.pdf
Document Adobe Acrobat 4.1 MB

Courte vidéo de présentation d'une capture et de "caresses" provoquant un effet apparent de catalepsie...

Quelques photos de manipulations et "caresses" de 3 cobras différents, suivies de la plus ancienne représentation connue de Moïse avec un serpent, présentée dans la contribution de Mme Cuvigny (voir PDF plus haut).

Voir également  l'article: Capture d'un cobra au Maroc...

Nous partons à la recherche d'un cobra. Nous sommes au printemps 2008. Les serpents doivent chercher à s'accoupler et donc s'aventurer plus qu'à d'autres périodes de l'année hors de leurs terriers. je suis toutefois sceptique quant à nos chances de succès. La pression anthropique, notamment sous la forme de captures par les Aïssaoua, est dévastatrice ! Mais la chance est au rendez-vous... LIRE!

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mer.

12

août

2015

Esther Garvi, inoubliable...

 


Esther était de retour de Suède où elle avait passé deux mois. Alors qu'elle revenait par la route à Zinder au Niger, pays qu'elle habitait et où elle travaillait, le chauffeur de la voiture dans laquelle elle se trouvait a été contraint de faire une embardée qui a été fatale à Esther. C'était 18 km avant l'arrivée à Zinder. Il y avait 4 personnes et son chien dans la voiture. Elle fut la seule victime. Le chauffeur a dit qu'il n'avait pas eu d'autre choix que d'aller dans le fossé face à un camion roulant à toute vitesse ! C'était le mercredi soir 05 août. Esther n'avait que 34 ans...

 

Elle sera enterrée à Smögen en Suède, où sa mère est également enterrée. Esther était une Chrétienne fervente, emplie d'un amour inconditionnel qui jaillissait d'elle et éblouissait ceux qui la rencontraient. Y compris seulement sur Internet. Même auprès d'un Athée convaincu comme je le suis.


Sur sa dernière photo postée par elle sur sa page Facebook le lundi 03 août, elle apparaît dans un miroir. « Back on African soil after two months in Scandinavia! » (Retour sur la terre africaine après deux mois en Scandinavie !) écrit-elle. Mais ce voyage de retour fut tragiquement le dernier.

 

Sur le trajet, elle répond encore le même jour à un de ses amis africains :

« You can take the girl out of Africa but you can't take Africa out of the girl... » (Vous pouvez prendre la fille hors d'Afrique, mais vous ne pouvez pas prendre l'Afrique hors de la fille...)


Je lui avais écrit par Skype en janvier de cette année, lui conseillant la prudence après les attaques contre des Chrétiens au Niger.

 

« aymerich michel: Bonsoir Esther. J'espère que tu vas bien... SOIS PRUDENTE!

esther-garvi: Will do!

aymerich michel: Tout va bien?

esther-garvi: Avec moi, oui, je suis sur le vol air France..

aymerich michel: Bien!!! Tu vas où?

esther-garvi: Taïwan pour le mariage de ma sœur

aymerich michel: Bonne chance là-bas...

esther-garvi: C'étais déjà planifié depuis longtemps Merci! Je reviens dans deux semaines

aymerich michel: Après tu retournes sur Zinder?

esther-garvi: Oui »


Je n'avais pas su répondre à ce «oui » de confirmation... et le regrette. Je n'avais pas su répondre, parce que dans le fonds je le désapprouvais ce « oui », tout autant que je le comprenais. Sa vie n'était-elle pas là-bas ?


Depuis, très fréquemment je pensais qu'elle était vraiment en danger. Mais elle aimait les habitants du Niger, elle aimait aussi énormément les chiens, les chevaux, les animaux de manière plus générale, les grands espaces de là-bas qu'elle, la belle cavalière, la femme émancipée, parcourait à cheval. Elle œuvrait à travers la Eden Foundation [1] à planter des arbres, à scolariser des enfants...


Je ne la connaissais « que » par Skype, par LinkedIn, par mails, par ses photos sur Facebook et par son blog [2]. Elle me demandait parfois le nom de telle ou telle espèce animale, dont elle m'envoyait les photos. J'en avais postées quelques-unes sur le Site du GERES (Groupe d’Étude et de Recherches des Écologistes Sahariens) [3]. Elle était mon informatrice pour la partie du Sahara qu'elle habitait.


Une fois par Skype nous discutions de la peur en Afrique des serpents et autres reptiles. Geckos en Guinée, caméléons au Niger ! Esther m'avait expliqué que « Eden  les [les Nigériens] instruit que toute espèce a son utilité ». Elle m'avait également écrit que « si je sais qu'un certain serpent n'est pas venimeux, Eden peut le leur apprendre. »


Une fois, je lui avais parlé de ce fou qui m'avait harcelé à l'issue de mon accident au Sahara en novembre 2012 (morsure de vipère à cornes, puis traitement inapproprié dans le premier hôpital à Dakhla et AVC ischémique...), survenu lors d'une expédition que j'avais organisée et à laquelle il avait participé... Ce triste individu était allé dans sa volonté obsessionnelle de me nuire jusqu'à me diffamer par le moyen de la création d'au moins un faux profil Facebook, celui de la réécriture de ma biographie sur Wikipédia; la production sur Youtube d'une vidéo diffamatoire, etc.


Je lui avais demandé s'il lui avait écrit. Car j'avais été informé qu'il avait tenté de joindre mes contacts.

Elle m'avait rassuré. « Non, personne m'a parlé de toi. » Je lui avais répondu « Ok, merci, je continue mes recherches... Je fais l'objet d'un harcèlement systématique et tente de savoir qui est contacté... »


Elle m'avait écrit : « je te souhaite bonne chance!!! », puis Esther avait ajouté « Il a des types trop bizarre sur FB » 

Moi : « Oui, mais pas seulement sur FB. Je l'avais connu lors d'un voyage organisé au Sahara. Je suis en procès avec lui, mais je crois que c'est un malade... Voilà, excuse moi de te déranger avec cela... Bonne journée »

Elle : « wow ok, bonne chance! A bientôt! »


Une fois, je crois me souvenir qu'elle m'avait invité au Niger. Les mois, les années sont vite passées. Je n'ai pas su trouver le temps.


Et puis la situation internationale avec son terrorisme ne m'avait pas convaincu ces derniers temps de l'opportunité d'un tel voyage. Je pensais à elle. Une inquiétude sourde me tenaillait. Souvent et peut-être quelques secondes chaque jour, je m'inquiétais qu'elle ait pu retourner à Zinder après les attaques contre les Chrétiens. J'étais hanté par le sentiment qu'elle était en danger.


« Environ 300 chrétiens se trouvaient samedi sous protection militaire à Zinder, deuxième ville du Niger, où de violentes manifestations contre la caricature de Mahomet en Une de Charlie Hebdo ont fait vendredi 4 morts et 45 blessés, a-t-on appris de source sécuritaire.

[...]

« Environ 70 autres, une cinquantaine d'adultes et une vingtaine d'enfants, étaient par ailleurs retranchés dans une église évangélique, protégés par une centaine de gendarmes et de policiers, ont déclaré deux d'entre eux à l'AFP.


« Ceux-ci encerclent ce bâtiment qui, contrairement aux autres églises de Zinder, n'a pas été détruit car il est très proche d'une gendarmerie, ont indiqué ces témoins » pouvait-on lire dans le Figaro du 17 janvier 2015.


Il y eut ensuite les attaques répétées de Boko Haram au Niger, à la frontière avec le Nigéria. Jamais je n'aurais imaginé qu'un autre danger puisse mettre un terme à sa vie. En Afrique, hélas, les victimes de la route sont nombreuses. Elle en a été victime...


Rarement un décès m'a autant perturbé. En vérité aucun autre décès n'a eu sur moi un tel impact...

 

Alors que j'écris apparaît une fenêtre de Skype avec son nom. Comme lorsqu'elle était vivante... Quelqu'un d'autre se connecte à Internet avec son ordinateur.


Une semaine est déjà passée. Je n'ai appris son décès que vendredi dernier (07 août), deux jours après sa mort. Je ne pouvais l'admettre. C'était comme si ma crainte quotidienne qu'il pouvait lui arriver quelque-chose neutralisait le danger. Ce dernier existait, mais pensé il me semblait rester au stade imaginaire. Mes craintes ne pouvaient être confirmées. J'ai parcouru les messages sur sa page Facebook. Et j'ai dû me rendre à l'évidence insupportable. Pas de fausse nouvelle. L'impensable de sa mort était une réalité. Insoutenable, inacceptable, révoltante.


Effet papillon... J'ai récapitulé les quelques années depuis que je la connaissais à travers Internet. Et j'ai tenté d'imaginer que j'aurais pu provoquer un « effet papillon ».

 

Vous savez, cette théorie avançant l'idée qu'un seul battement d'ailes de papillon pourrait avoir des conséquences incalculables. J'ai imaginé que peut-être que si je lui avais écrit plus souvent, ou au bon moment ou encore en me rendant au Niger le bon mois, la bonne année, j'aurais pu provoquer un effet qui ferait qu'elle serait toujours en vie. Un effet papillon...

 

Elle aurait dû vivre et longtemps, et atteindre un âge avancé. Mieux, avec les avancées fulgurantes de la science, elle aurait pu et aurait dû vivre longtemps, très longtemps, plus longtemps qu'on est habitué à l'imaginer...


Inconsolable mort d'un être d'exception. Esther était une femme magnifique, toujours souriante, animée d'une extraordinaire positivité.  


Beaucoup de gens pleurent, elle était certainement comme ces photos la révèlent, extraordinairement rayonnante d'amour et d'empathie...


Notes:





Par Michel Aymerich 

Photos d'Esther et son inoubliable sourire...

Dernières photos d'Esther et autres...

Message de son père Arne Victor Garvi

The funeral service for our beloved Esther will be held in the Smögen Mission Convenant Church on Wednesday, September 2nd at 1 p.m.
We the Garvi family welcome all who wish to attend. A memorial gathering will be held at the church following the interment.
Any donations in Esther's memory can be made to Eden Foundation, as Esther would have wished:
http://www.eden-foundation.org/support_donation.html

Adieu mon amie!

5 commentaires

ven.

10

juil.

2015

La Couleuvre de Montpellier occidentale (Malpolon monspessulanus monspessulanus)

Mâle de la sous espèce de la Couleuvre de Montpellier occidentale (Malpolon monspessulanus saharatlanticus) ©Michel Aymerich
Mâle de la sous espèce de la Couleuvre de Montpellier occidentale (Malpolon monspessulanus saharatlanticus) ©Michel Aymerich

La Couleuvre de Montpellier occidentale, Malpolon monspessulanus monspessulanus.

 

Noms usuels

Français: Couleuvre de Montpellier 

Anglais: Montpellier Snake

Allemand: Europaïsche Eidechsennatter 

Arabe d' Egypte: Hanech aswad.

 

 

C'est une grande couleuvre de fière allure. Les mâles dépassent parfois, bien que très rarement en France, les 2 m. Au Maroc, on trouve fréquemment des mâles de plus de 1,80 et les exemplaires de 2 m ne sont pas rares. J'en ai trouvé un de 2,05 m après El Aïoun du Drâa (voir photos...) et j'ai récupéré chez des Aïssaoua trois exemplaires qui dépassaient les 2m. Un spécimen de 2,17m a été mesuré dans ce pays. Le record dûment documenté est de 2,23m ! [1]

 

 Ce serpent présente un dimorphisme sexuel important. Les femelles, toujours plus petites et plus sveltes, présentent une coloration marbrée alternant des tâches de noir et de blanc parfois jaunâtre sur un fond marron clair de type acajou ou légèrement verdâtre. Les mâles sont d'un vert olive clair ou foncé avec une rangée latérale d'écailles noires et bleutées. Dans les régions sahariennes, la selle noire caractéristique des mâles, présente en arrière de leur cou, s'étend sur la presque totalité du corps. Nombreux alors sont les habitants qui la confondent avec un cobra, lequel est un serpent brun foncé, voire parfois presque noir.

 

Une couleuvre opistoglyphe

 

 Très rapide, la Couleuvre de Montpellier chasse généralement à vue. Elle est volontiers ophiophage [2], mais se nourrit également de lézards, d'oiseaux (voir photos...) et de petits mammifères. Les grands individus peuvent ingurgiter des mammifères de la taille de lapereaux. Opistoglyphe, c'est à dire possédant des crochets à venin situés à l'arrière de la mâchoire supérieure, elle peut tuer ses proies en les maintenant fermement dans sa gueule pendant quelques minutes, après les avoir enserré dans ces anneaux. Elle a alors tout le temps de mâchonner pour parvenir à planter ses crochets plus ou moins profondément. L'envenimation peut alors se faire. Les crochets sont pourvus d'un sillon par lequel le venin peut s'écouler...

 

 Cependant, du fait même de la position de ses crochets qu'il ne peut par ailleurs redresser fortement, ce serpent est inoffensif pour l'homme. Mes innombrables morsures en témoignent (voir dans le second diaporama une photo de traces de morsure, ainsi qu'une morsure filmée en direct [3]). Morsures qui auraient pu être évitées et que je comptabilise par centaines à l'occasion de nombreuses manipulations. Une seule avait provoqué une envenimation. Elle n’avait produit qu’un léger gonflement de la partie mordue, phénomène qui disparut au bout d’une ou deux heures. Cette envenimation avait été rendue possible parce que la morsure avait été particulièrement prolongée. Le serpent avait maintenu et avalé mon pouce pendant plusieurs minutes et je l'avais laissé faire... Chose impossible lors de morsures normales qui sont de l'ordre d'une seconde ou d'une fraction de seconde. Mais à l'époque, j'étais un enfant et ne savais que distinguer grossièrement entre couleuvres et vipères. Je ne savais pas qu'il existait en France une couleuvre opistoglyphe. J'avais donc laissé la couleuvre (c'était une femelle) avaler mon doigt ! Maintenant, lorsqu'une couleuvre de Montpellier ne se contente pas de mordre, mais de mâchonner dans l'intention de planter ses crochets (tentative très rare, il est vrai), je ne la laisse plus faire. Je la décroche en soulevant sa mâchoire supérieure par le bout du museau.


Reproduction

 

Selon Cornélius de Haan, « normalement, pour chaque « couple territorial », des accouplements longs, répétitifs et en toute douceur commencent début mai et s'arrêtent en juin, environ quinze jours avant la ponte. Celle-ci a lieu fin juin ou en juillet et, dépendant de la taille de la femelle, se compose de trois à quinze œufs de 20x40 à 25x55 cm et blancs si fécondés ».
Les couleuvreaux mesureront à leur naissance environ 25 à 35 cm. L'espérance de vie des mâles comme des femelles peut être de 20 ans. Mais certaines couleuvres vivent plus longtemps encore. Un mâle de 31 ans est toujours en vie (communication personnelle de CdH). Le mâle jeûne pendant les mois de mai et de juin et défend, escorte et assiste la femelle pendant la chasse. Le couple formé est fidèle, mais peut accueillir un ou plusieurs mâles vassaux ou encore dominer d'autres couples.

 

Les couleuvres de Montpellier des deux sexes possèdent une valve située dans leurs narines par lesquelles elles émettent une fine couche de sécrétion nasale spéciale (substance aqueuse et incolore), contenant des phéromones, lors du comportement dit d'auto-frottement qui consiste à s'enduire le ventre et la queue de cette sécrétion. Ceci leur permet par la suite, lors de leurs déplacements et de leurs rencontres avec des individus de leur espèce, un marquage chimique « automatique » du substrat et d'individus conspécifiques. (Voir ci-dessous l'article en format PDF : « Des comportements frotteur et marqueur, pour la chasse et la vie sociale chez la Couleuvre de Montpellier »).

 


Répartition

 

Contrairement à sa derivatio nominis, la Couleuvre de Montpellier, représentée par deux espèces, la Couleuvre de Montpellier occidentale, Malpolon monspessulanus et la Couleuvre de Montpellier orientale, Malpolon insignitus (ancienne sous-espèce élevée au rang d'espèce...) est répandue bien loin de la ville qui lui a donné son nom.

Originaire d'Afrique, elle est actuellement présente sur presque tout le pourtour de la Méditerranée.

 

L'espèce occidentale est présente du côté ouest de l'Afrique du Nord jusqu'à Gênes en passant par la Péninsule ibérique et le sud de la France. Elle parvient même sous la forme de la sous-espèce Malpolon monspessulanus saharatlanticus à pénétrer l'étage saharien en profondeur. Au Maroc, elle descend jusqu'à Dakhla (voir photos...).

 

L'espèce orientale (voir dernière photo dans le premier diaporama) quant à elle se trouve sur les Hauts-Plateaux marocains jusqu'en Iran, le delta de la Volga et le nord-ouest de la Croatie. Apparemment, aucune des deux espèces n'est parvenue à s'établir dans la Péninsule italienne.

 
Conservation

 

En France, cette espèce court la malchance de subir les préjugés moyenâgeux qui sévissent à l'égard des serpents et notamment à son encontre. Sur Internet, par ex., on peut trouver des affirmations qui ridiculisent leurs auteurs : la «vipère de Montpellier», comme la qualifie certains, serait «dangereuse» pour les chiens et même les chevaux (sic!), alors qu'en réalité il lui arrive d'être la victime des chiens et des chats. Elle est en outre fortement exposée à une circulation automobile abusive qui provoque de nombreuses victimes. De surcroît, la fermeture des milieux par la disparition progressive des milieux ouverts rétrécit et menace son habitat.

 
Au Maroc, elle est un des objets de convoitise préférés des montreurs de serpents, lesquels s’approvisionnent auprès des chasseurs spécialisés que sont les Aïssaoua et autres trafiquants qui vont jusqu’à entasser une soixantaine d’exemplaires dans une pièce où les plus grands spécimens n’ont plus comme recours pour survivre temporairement que le cannibalisme au détriment de leurs congénères plus petits. Une fois sur ce haut lieu du tourisme et de la mort programmée des serpents qu’est la Place Jemaa-El-Fna
de Marrakech (voir mon article: Spectacles de Marrakech : l'enfer du décor!), je remarquai qu’une couleuvre de Montpellier, laquelle avait été passée sans ménagement autour du cou d’une touriste italienne, vivait ses dernières heures. Surmontant mon indignation face à tant d'inconscience de la part de cette femme et de cruauté de la part du montreur de serpents, mais motivé par mon désir de lui expliquer que l’animal avec lequel elle s’était faite grandiosement photographiée était moribond, j'allai voir la touriste. Dans l'espoir de l’aider à comprendre qu’il ne fallait pas encourager ce genre de pratiques aussi antiécologiques qu'insensibles. A mon grand dépit, elle me rétorqua avec ce qui ne peut être qualifié autrement que d'incommensurable stupidité : « Mais c’est la vie ! » Heureusement, bien des personnes informées réagissent plus intelligemment...
 

Cette espèce, ainsi que les autres espèces de serpents du Maroc, devrait bénéficier d'aussi urgentes que rigoureuses mesures de protection, interdisant leur capture et leur commercialisation. Dans le sud de la France (pays où cette espèce est officiellement protégée), il faudrait édifier des barrières à des points cruciaux entre passage de la Couleuvre de Montpellier et trafic routier, et créer des «serpenducs» à l'exemple des crapauducs, de notoriété méritée. Ces canaux creusés sous la route permettraient le passage des serpents et autres espèces...

Notes:

 

[1] Philipe Geniez, Serpents d'Europe, d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient, p.232, Paris 2015.

[2] « Le terme vient du grec ancien ophis (οφίς) qui veut dire serpent et de phagein (φάγειν) qui signifie manger. » (Wikipédia)

[3] Sentinelle de la nature: le Maroc. Voir une morsure en direct à partir de 19 mn et 30 secondes dans ce documentaire!

 

 

Par Michel AYMERICH

Article en format PDF par Cornélius de Haan et Michel Aymerich: "Des comportements frotteur et marqueur, pour la chasse et la vie sociale"

LIRE!

Des comportements frotteur et marqueur, pour la chasse et la vie sociale chez la Couleuvre de Montpellier
M Aymerich 2012 &CdH. Self-rub and other
Document Adobe Acrobat 2.5 MB

Couleuvres de Montpellier de France et du Maroc (Sahara)

Capture d'une couleuvre de Montpellier de 2,05 mètres  et manipulation de diverses couleuvres de Montpellier au Maroc...

Autres articles où il est question de la Couleuvre de Montpellier...

Réaction face à une coronelle girondine massacrée et considérations générales sur les serpents, les hommes et la nature

LIRE!

Spectacles de Marrakech : l'enfer du décor !

LIRE!

Proposition d'alternative aux actuels spectacles moyenâgeux présentant à Marrakech des serpents, des singes magots et d'autres animaux...

LIRE!

3 commentaires

jeu.

30

avril

2015

Capture d'un cobra au Maroc...

Moi même avec un Naja haje legionis que je viens de capturer et de calmer... ©Photo Gérard Vigo
Moi même avec un Naja haje legionis que je viens de capturer et de calmer... ©Photo Gérard Vigo

Les manipulations relatées dans l'article et illustrées par le diaporama et la vidéo réalisée en Chine démontrent que les Aïssaoua qui manipulent des cobras ne sont pas dotés d'attributs surnaturels ou n'utilisent pas des substances aux propriétés « magiques » !

Mais attention, ces manipulations ne sont (il va de soi) pas recommandées à tout un chacun. Il faut une longue expérience des serpents et des cobras en particulier...

Capture d'un cobra au Maroc et réflexions sur les cobras et les hommes!

Par Michel AYMERICH

Nous partons à la recherche d'un cobra. Nous sommes au printemps 2008. Les serpents doivent chercher à s'accoupler et donc s'aventurer plus qu'à d'autres périodes de l'année hors de leurs terriers. je suis toutefois sceptique quant à nos chances de succès. La pression anthropique, notamment sous la forme de captures par les Aïssaoua, est dévastatrice ! Mais la chance est au rendez-vous...

Je crie "Un cobra!"

Après une marche de quelques km, j'ai la chance de voir un cobra partir en direction d'une Euphorbe cactoïde. Je crie « un cobra ! » tout en me précipitant immédiatement vers lui. J'ai juste le temps de le saisir par la queue avant qu'il ne puisse s'enfoncer au milieu de la plante.

Les personnes qui m'accompagnent se rapprochent et photographient. Fascinées !

Je maintiens le cobra par la queue pendant que celui-ci tente de pénétrer plus profondément à l'intérieur de la plante. Mais je m'efforce de ne pas tirer le serpent sans ménagement. Cela pourrait le blesser. Tout en ne lui permettant pas, centimètre après centimètre, de se libérer en me forçant à lâcher prise.

J'entreprends d'un pied d'écarter autant que possible les tiges d'euphorbe entre lesquelles il s'est glissé de façon à petit à petit à le dégager en douceur.

Oh joie! Je réussis enfin à capturer le magnifique serpent.

Pour le calmer, je le recouvre de ma veste. Ainsi ne se sent-il pas totalement à découvert. Le temps qu'il découvre que je ne représente pas un grand danger pour lui. Puis je retire ma veste, de façon à ce chacun puisse mieux admirer ce serpent fascinant à plus d'un titre.

L'animal se retourne pour me faire face et m'indiquer, coiffe déployée, qu'il est un cobra! Et non pas un serpent comme un autre. Dardant sa langue, il m'évalue, m'analyse. Suis je pour lui un danger ?

Je lâche sa queue pour que tous puissent le photographier dans son biotope. Le serpent tente de s'enfuir... à reculons! Émerveillé, je le prends en photo... sous tous les angles. Je ne me lasse pas...

Je m'allonge même devant lui. Il ne manifeste pas la moindre agressivité, loin des légendes tant répandues par des langues ignorantes...

Puis je me décide à le caresser au bas du cou. Je sais que cela les calme. Peut-être cette réaction correspond-elle à un comportement de soumission face à d'autres cobras lors des duels entre mâles précédant l'accouplement avec une femelle. Ou bien serait-ce que ce comportement soit réservé aux femelles? Je ne le pense pas... Le serpent se laisse faire... Il semble être dans un état de catalepsie!

Je peux maintenant le saisir délicatement, le cobra reste passif. J'ai déjà vu faire cela. Je sais que c'est possible avec cette espèce, et puis j'ai déjà une certaine expérience de la manipulation des cobras du Maroc. Ils ne mordent pas la main qui les tient. Dans tous les cas, je ne serre jamais. Ma main est plus un support qu'une prise exerçant un effet d'étau.

Il est temps maintenant de lui rendre sa liberté et lui souhaiter longue vie. Je photographie sa fuite et lui souhaite devant tout le groupe de fuir les hommes. Nous étions, hélas, atypiques...

Fuis! Fuis cobra! Fuis les hommes! Vis ta vie, donne vie à d'autres cobras... est notre pensée partagée.

Les cobras n'attaquent pas, mais l'imprégnation culturelle des hommes détermine leur perception!

Chacun a pu constater que le mythique cobra, celui-là même appartenant à l'espèce qui donna la mort à Cléopâtre, ne cherchait pas à attaquer ! Son intention était avant tout défensive. Ce comportement que je connaissais chez les cobras du Maroc, j'eus l'occasion de l'observer également chez deux représentants de deux espèces de cobras présentes en Chine : le cobra chinois, Naja atra et le cobra Royal, Ophiophagus hannah. Le cobra chinois se montra moins nerveux et quelque peu plus accommodant que ne l'est en moyenne un cobra marocain. Quant au cobra Royal, il fit preuve d'une plus grande nervosité et manifesta un caractère clairement plus farouche que les deux autres espèces! A la différence des représentants des deux autres espèces, il se retournait pour faire face à chaque tentative de le capturer de nouveau après une tentative de fuite ! C'est un comportement que l'on peut très bien constater dans la vidéo que j'ai mise sur Youtube (voir le lien en bas de page) dans laquelle je photographie différents serpents de Chine, dont un jeune cobra royal...

Mon intention quant à la capture ici relatée du cobra au Maroc était de le photographier et de le faire photographier par les personnes qui m'accompagnaient. Il m'importait aussi de démontrer pratiquement ce dont la photographie témoignerait que les cobras ne sont pas les serpents diaboliques qui agressent le berger malchanceux, l'enfant innocent, le paysan laborieux ou le promeneur qui s'est aventuré hors de la civilisation. Ainsi de démonstration en démonstration, la connaissance du vrai comportement des cobras pourra l'emporter sur les mythes et préjugés. Peut-être enfin la conséquence pourra être l'adoption de mesures concrètes de protection au Maroc. Il est vrai qu'on en est encore loin et que ce qui est sur le papier ne trouve aucune correspondance dans la pratique. Le scandale de la Place Jemaa el Fna en est la démonstration la plus criante... Et cela vaut également pour les singes magots ! [1]

Mon groupe et moi avons souhaité à ce cobra (comme à tous les siens) d'avoir une longue vie et de ne pas tristement et scandaleusement finir capturé par un trafiquant de serpents (Aïssaoui). Il faut, en effet, savoir que les cobras sont vendus aux charlatans de la place Jemaa El Fna de Marrakech et des autres grandes places touristiques (Hôtels d'Agadir, par ex.) qui leur arrachent fréquemment les crochets ou leur enlèvent les glandes à venin [2].

Dans tous les cas, que ces serpents soient gravement mutilés ou non, ils meurent tous après quelques semaines ou au plus quelques mois dans l'indifférence complice, sinon dans un soulagement aux conséquences exterminatrices. Car au Maroc, dans l'immense majorité des cas, un bon cobra est un cobra mort ! Et cela vaut là-bas pour tous les serpents, monothéisme oblige ! Quoi que en Israël, patrie du monothéisme juif, d'après une de mes connaissances (un herpétologiste espagnol) les serpents sont protégés par la loi. Nombreux seraient les citoyens juifs à respecter cette loi. Il est vrai que ce pays est intellectuellement considérablement plus avancé que d'autres. Ceci explique cela. Mais en dehors de l'aire des monothéismes et de leurs rapports spécifiques à la nature en général et aux serpents en particulier, il existe d'autres aires...

Ainsi ai-je pu constater l'existence d'un tout autre rapport aux cobras comme aux serpents venimeux en Chine du Sud. J'ai eu l'occasion de relater mon expérience en la matière dans un autre article que j'invite à lire ou à relire [3].

Mais au Maroc n'ai je pas entendu maintes fois que les serpents venimeux - comme tous les autres animaux venimeux- devraient être systématiquement massacrés ? La raison en serait que le prophète des Musulmans aurait exigé que l'on tue tout animal venimeux, y compris sur sa tombe. Faudrait-il donc que selon cette injonction soient également tués les ornithorynques en Australie ? Et les bourdons ? Et les abeilles ? J'observe que dogmes religieux et écologie ne font généralement pas bon ménage. Prise à la lettre cette injonction est désastreuse !

Une démonstration par la photo...

La série de photos ici présentée dans ce diaporama illustre l'expérience relatée plus haut à l'occasion de l' expédition d'observations naturalistes au Maroc au printemps 2008 dans une région située à l'ouest de Guelmin. Elle présente la capture à mains nues du cobra du Maroc, une sous-espèce du Cobra d'Egypte, Naja haje legionis, lequel après avoir été photographié a été remis en liberté. Ensuite des photos montrent un autre cobra du Maroc provoqué par un mouvement de la tête qui l'amène à ouvrir une gueule menaçante, comportement qu'une couleuvre de Montpellier (voir ma photo dans le diaporama ci-dessous) adopte également!   Les autres photos ont été réalisées en Chine. Elles illustrent un comportement en partie similaire entre trois espèces de cobras. Les cobras n'attaquent pas. C'est simple, nous ne sommes pas des proies pour eux !

 

Notes:

[1] Le Singe magot ou Macaque de Barbarie. LIRE!

[2] Spectacles de Marrakech: l'enfer du décor! LIRE!

[3] Chinois et serpents... LIRE!

 A propos d'un article relatant une morsure avec envenimation à Marrakech (17/02/2016)

Photo de cobra photographié Place Jemaa el Fna et présentant une boursouflure à la partie supérieure de sa mâchoire, ceci correspondant à une sorte de chancre buccal consécutif soit à un arrachage de crochets soit à une ablation des glandes à venin!
Photo de cobra photographié Place Jemaa el Fna et présentant une boursouflure à la partie supérieure de sa mâchoire, ceci correspondant à une sorte de chancre buccal consécutif soit à un arrachage de crochets soit à une ablation des glandes à venin!

Attention, sur le site Ecologie.ma (un très bon site en général) une photo de cobra est utilisée et présentée comme étant réalisée par Michel Aymerich dans le cadre de l'illustration d'un article relatant le cas d'un "charmeur de serpents" qui aurait été gravement mordu par un cobra à Marrakech...


Je tiens à préciser que ne suis pas l'auteur de cette photo!!! J'ai demandé à ce que l'information erronée soit corrigée.
J'ai été assez victime de détournement de photos pour ne pas être sensible en général à cette pratique (victime comme certains de mes amis. Franck Chevalier, par ex., dont une photo de fennec a été détournée par un certain M.M. qui n'a pas hésité à se l'attribuer de manière passive, laissant les visiteurs de sa page FB le féliciter pour "sa" photo...). Ceci étant, dans le cas du site
Ecologie.ma, il est certainement question non d'un "détournement", mais tout simplement d'une erreur [1]. 


Par ailleurs, quelques remarques sur le contenu de l'article. Un cobra n'est D'AUCUNE FAÇON une vipère. Les cobras appartiennent à la famille des Elapidés, les vipères appartiennent quant à elles à la famille des Vipéridés. Donc DEUX FAMILLES DISTINCTES!

Autre chose, il est rapporté qu'un "charmeur" (il ne charme aucun serpent, mais des badauds crédules!!!) s'est fait mordre devant des touristes.


A t-on la preuve qu'il a été envenimé? Car morsure ne signifie pas envenimation. Il faudrait vérifier auprès du médecin chargé de son cas (si l'accident est avéré...) l'authenticité de la morsure. Auprès du médecin, pas d'un acolyte du "charmeur"...

J'ai été témoin en 1998 d'un "charmeur" qui avait fait croire qu'il avait été mordu. Ceci après que voyant une belle couleuvre dans sa boîte, j'avais sans crier garde plongé la main pour en retirer le serpent et l'examiner.

La couleuvre, surprise, m'avait mordu, me faisant légèrement saigner devant les yeux horrifiés des spectateurs présents.

Le charmeur de badauds avait immédiatement réagi, en me reprenant promptement le serpent des mains et en mimant une morsure dangereuse, dont il faisait croire qu'il venait d'être victime. Il suçait une blessure imaginaire et ce faisant me disait discrètement : "Cache ta morsure, tu casses mon travail. Si tu veux m'acheter des serpents, attends on en discute après..."[2]

Ainsi sont les illusionnistes et les "charmeurs" en font partie! Alors, si la morsure avec envenimation ne peut être totalement exclue, on ne peut non plus exclure une mise en scène. D'autant que j'ai informé largement de la pratique de l'arrachage des crochets (la presse internationale s'est emparée de l'information) et que je ne peux exclure qu'un illusionniste ait mimé une morsure après qu'un touriste lui ait exprimé ses doutes sur l'intégrité physique du cobra...

Si tel n'est pas le cas et que par exception un "charmeur" a réellement été envenimé, eh bien qu'on n'en tire pas la conclusion erronée que l'arrachage des crochets (ou ablation des glandes à venin) n'existe pas...

NOTE:

[1] Précision du jeudi 18/02/2016 (12:43): M. Oussama Abaouss, responsable du site Ecologie.ma, m'a écrit ceci: "L'erreur (il n'est en aucun cas question de détournement) a été corrigée." Ce à quoi, j'ai répondu: "Merci!!! Certes pas un détournement de ma photo, puisqu'elle appartient à un inconnu. J'ai écrit que "J'ai été assez victime moi-même [...] de détournement de photo pour ne pas être sensible à cette pratique". Donc pas dans ce cas. Il est vrai qu'en comparant les méthodes, j'ai implicitement laissé entendre qu'un détournement avait eu lieu, concernant une autre personne. J'aurais dû être plus précis. Mais je tenais à ne pas être associé à ce qui pouvait apparaître comme un détournement DE MA PART! J'aurais pu être accusé de m'être approprié une photo qui ne m'appartient pas..."  

[2] L'homme ne pouvait, semble-t-il, concevoir que je ne voulais pas acheter, mais me souciais qu'un si beau serpent puisse finir lamentablement sa vie dans ces spectacles moyenâgeux...

Par Michel AYMERICH

Diaporama illustrant l'article...

Voir également mon article: "Caresses" provoquant une sorte de catalepsie chez le cobra d'Egypte.

Les anciens hébreux semblaient connaître ce phénomène d'apparente catalepsie chez les cobras d’Égypte après qu'ils aient été caressés vigoureusement au niveau de la nuque. D'où alors la légende qui n'en serait plus vraiment une de la transformation d'un "bâton" en serpent par Moïse (et donc inversement...). Le "bâton" ne serait donc que la description sous forme de parabole de ce phénomène propre au cobra d’Égypte (Naja haje haje), dont la sous-espèce N. haje legionis presque entièrement noire à l'âge adulte est présente dans une partie du Maroc et au nord-est de l'Algérie. LIRE!

VIDÉO: Séances photos de serpents de Chine avec Michel Aymerich

Cobra chinois, cobra royal, bongare rayé, vipère des cent pas, couleuvre de Jade...  

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jeu.

05

mars

2015

Le  Singe magot ou Macaque de "Barbarie"!

Singes magot dans les forêts de Cèdres près d'Azrou au Maroc  ©Michel AYMERICH
Singes magot dans les forêts de Cèdres près d'Azrou au Maroc ©Michel AYMERICH

Le Singe magot ou Macaque berbère (Macaca sylvanus), seul macaque encore présent en Afrique et en Europe...

 

Par Michel Aymerich

Le Magot est avec l'Homme le seul représentant de l'ordre des Primates demeurant au Nord du Sahara et en Europe dans l'extrême Sud de l'Espagne, plus exactement en territoire d'outre-mer de la Grande Bretagne sur le Rocher de Gibraltar. Mais il est le seul représentant des macaques vivant encore sur le continent africain, lesquels y avaient fait leur apparition il y a environ 5,5 millions d'années (7 millions selon d'autres auteurs). Appartenant à la famille des Cercopithecidae, le Magot qui est l'espèce dont la queue est la plus courte parmi les macaques (elle n'est représentée que par un simple tubercule) est génétiquement proche des babouins présents en Afrique sub-saharienne. La famille des Cercopithecidae comprend, en effet, les cercopithèques, les cynocéphales et les macaques.

La désertification de l'Afrique du nord et l'apparition consécutive du Sahara ont contribué à isoler les macaques des autres Cercopithecidae d'Afrique qui se sont ensuite dispersés sur une grande partie du continent et des îles de l'Asie du sud et du sud-est. Aujourd'hui, sur les 21espèces de macaques, seul le Macaque berbère ou Singe magot vit encore sur les continents africain et européen. Toutes les autres espèces de macaques habitent le continent asiatique. Le Singe Magot existerait en Europe depuis environ un million d'années. Le Macacus tolosanus, dont des débris fossiles ont été trouvés dans des cavernes pléistocènes des Pyrénées, serait très proche du Macaca sylvanus de Gibraltar.

En Europe...

L'espèce vit encore à l'état sauvage sur le Rocher de Gibraltar, formant une petite colonie protégée par les officiers de la garnison anglaise. On pensait dans un passé récent que la colonie descendait d'une douzaine d'individus importés d'Afrique du Nord au cours de la Seconde Guerre mondiale, mais on a dû réviser cette opinion à la lumière des découvertes récentes. L'analyse génétique indiquerait, en effet, une origine double des magots de Gibraltar. Deux souches distinctes, l'une apparentée aux magots d'Algérie, l'autre à ceux du Maroc, y sont présentes. Par ailleurs, l'étude génétique des populations montre que les deux souches, marocaine et algérienne, se sont séparées voici déjà 1,6 million d'années environ. Les populations du Rif sembleraient avoir été secondairement réintroduites à partir d'une souche algérienne. Tout ceci pourrait suggérer une présence ancienne sur le Rocher de Gibraltar. Toutefois, cette population a sans doute été renforcée par des apports d'Afrique du Nord...

En Afrique du Nord...

Au Maroc, le Magot habite principalement les forêts de cèdres du Moyen-Atlas, mais on le rencontre également dans le Rif et le Haut Atlas. On le trouve aussi en Algérie dans les gorges de la Chiffa, dans le Djurjura et dans les forêts près de Bejaia, en Grande et Petite Kabylie. Il existe occasionnellement en France où après avoir été exporté bébé illégalement du Maroc il finit une fois devenu adulte « lâché » en forêt !

«  Au Maroc, en 1977, l'essentiel de la population se concentrait dans le Moyen Atlas, représentant 65 % de la population totale (soit 14 000 individus maximum) à l'époque. Les poches relictuelles du Rif et du Haut Atlas n'abritait à cette époque déjà plus que 12 % des macaques berbères sauvages (soit 2 600 individus maximum). On les estimait, autrefois, à plusieurs centaines de milliers.

Une étude plus récente (mais moins précise et systématique) de 2005 estime le nombre de Macaques berbères survivants à 10 000 individus, soit une régression de plus de 50 % en moins de trente ans (l'estimation dépassait les 22 000 en 1977). Une autre de 2007 dans la région de Djebela atteste de la régression d'effectifs entre 1980 et 2004. Cette espèce est donc excessivement menacée et au premier chef, en raison de la destruction de son habitat naturel. Les effectifs sauvages dans des régions non perturbées sont en fort déclin. Les populations existantes vivent dans des habitats grandement modifiés par l'Homme. Les Magots sont régulièrement capturés pour être vendus (on estime à environ 300 bébés, arrachés aux bras de leur mère, au Maroc, chaque année) ou même tués. » [1]

Selon le professeur Mouna dans « le Moyen Atlas, 80% d'enfants recensés ont disparu entre l'été et l'automne 1994. Les populations sont très déséquilibrées avec un nombre de mâles plus important et leur densité est en baisse d'une année à l'autre. Ainsi, dans le Moyen Atlas qui abrite la plus grande population mondiale du singe Magot, cette densité est passée de 70 individus par km2 en 1970 à 40 individus seulement en 1974. En septembre 1995, la densité est tombée à 24 individus par km2 alors que celle des chèvres et des moutons a été respectivement d'environ 42 et 330 individus par km2. Si l'état actuel de baisse des populations de singes se maintient, le Magot disparaîtra du Moyen Atlas dans 60 ans. » [2]

Hélas les chiffres ci-dessus doivent être encore revus à la baisse en 2015. Maintenant il ne resterait plus que 5000 individus en liberté ! [3]

A Marrakech!

Il est outrancièrement exposé et exploité sur la Place Jemaa-el-Fna à Marrakech [4] où les singes sont contraints sous la menace du bâton à exécuter de consternantes pirouettes, parfois revêtus d'un accoutrement ridicule pour accentuer une caricature suggérée d'humanoïdes déchus...

Fautifs sont les badauds et un tourisme national et international, dont trop nombreux encore sont ceux qui payent les montreurs de singes. Fautive et responsable est la ville de Marrakech qui tolère. Fautifs et responsables sont les autorités compétentes, tous étages administratifs et politiques confondus qui ne combattent pas le phénomène et ses causes à tous les niveaux.

Car le Singe magot figure depuis 2000 sur la liste rouge des espèces menacées de l’Union mondiale pour la nature (UICN). Il est officiellement protégé par la Convention de Washington !

 

Notes:

[1] Sources Wikipedia ;Waters SS, Aksissou M, El Harrad A, Hobbelink M-E & Fa JE, 2007. Holding on in the Djebela: Barbary macaque Macaca sylvanus in northern Morocco. Oryx 41 : 106-108 ; Modolo L, Salzburger W & Martin RD, 2005. Phylogeography of Barbary macaques (Macaca sylvanus) and the origin of the Gibraltar colony. Proceedings of National Academy of Sciences of the United States of America 102 : 7392-7397.

[2] Mouna Mohamed, Le Singe magot : http://www.uicnmed.org/nabp/web/documents/awareness/60.pdf

[3]  http://www.bladi.net/singes-maroc-sorcellerie-touriste,41317.html

[4] Voir mon article:  Propositions d'alternatives...

ARTICLES + PÉTITION!

Spectacles de Marrakech: l'enfer du décor!

À Marrakech, la Place Jemaa-El-Fna doit une partie de sa renommée aux traditionnels charmeurs de serpents. L’imposture de leur talent ne serait que magie si elle n’induisait pas la maltraitance des cobras, des vipères heurtantes, des couleuvres de Montpellier et autres, aux fins de la perpétration d’un bien douteux spectacle moyenâgeux. La plupart de ces belles espèces sont soit menacées d’extinction en Afrique du Nord, soit sont en régression alarmante. Ceci contribue au consternant appauvrissement général des écosystèmes du Maroc.

 Les serpents sont sourds et n’entendent pas la musique. Les « charmeurs » ne charment donc que des badauds et des touristes maintenus dans l’ignorance des tenants et des aboutissants, notamment désinformés des mœurs réelles des ces remarquables espèces.

http://www.michel-aymerich.com/2013/09/11/spectacles-de-marrakech-l-enfer-du-d%C3%A9cor/

SIGNEZ LA PÉTITION!

"Cette pétition s'oppose aux pratiques qui n'ont plus lieu d’être: l'exploitation de serpents pour des fins "touristique", l'exploitation et trafic de singes, la vente et capture d'oiseaux et animaux dans un cadre non formel non contrôlé et non autorisé, la vente par les herboristes de peaux de carcasses d'animaux sauvages (et végétaux) menacés...Cette pétition est un appel aux autorités concernées pour qu'elles appliquent la loi en interdisant et en sanctionnant les contrevenants. Aussi nous lançons un appel à tous pour boycotter et dénoncer les "spectacles" et autres commerces qui exploitent des animaux vivants au Maroc. Avant qu'il ne soit trop tard, pour protéger notre patrimoine de biodiversité menacé."

https://secure.avaaz.org/fr/petition/Halte_au_trafic_illegal_despeces_protegees/

 

Parce que l'on n'a pas su cohabiter, le singe magot abdique. (Enquête du journal marocain L'Economiste)

« Les menaces qui pèsent sur ce singe s’amplifient. Elles varient en fonction de la région considérée, la pression humaine, le surpâturage, les conflits d’intérêts, et les effets du tourisme et la prédation. La dégradation et la perte des habitats, ainsi que le commerce illicite sont identifiés comme étant les principales causes du déclin de cette espèce. Pour Franck Fayçal Wyllinck, directeur de la Fomanef, «le surpâturage, un phénomène qui se manifeste par une inadéquation entre la densité du cheptel et la capacité de la zone à supporter le pâturage et le piétinement, est considéré comme une menace pour les populations du singe magot». Lire la suite!

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sam.

07

févr.

2015

Jordi Magraner, l'homme qui cherchait le barmanou

Diaporama illustrant l'article...

Par Michel AYMERICH

Un "roman de non-fiction" sur Jordi Magraner

Il y a quelques jours, j'ai terminé la lecture d'un livre, j'avais besoin d’approfondir les quelques connaissances que j'avais du sujet... Il était temps, j'ai d'autres lectures prévues ou en cours.

Ce livre que je viens de lire est une biographie quelque peu romancée portant sur Jordi Magraner, Histoire vraie de l'homme qui cherchait le yéti. Gabi Martinez, l'auteur, en parle comme d'un « roman de non-fiction ». Il s'est, il est vrai, efforcé au plus près de restituer au lecteur la complexité de son personnage, alimentant sa biographie romancée des témoignages des proches, des témoins, et des archives mises à sa disposition.

L'Echide à ventre blanc

Magraner et moi étions nés la même année à Casablanca en 1958. Il était plus jeune de deux mois. Nous partagions en commun un intérêt manifeste pour l’herpétologie, cette science dédiée à l'étude des amphibiens et reptiles, lui plus que moi pour les premiers. Erik L'Homme qui l'a bien connu écrit qu'il était un « herpéthologiste brillant, découvreur de plusieurs espèces de batraciens ». Nous avions un ami commun, un herpétologiste montpellierain, Philippe Geniez.

C'est sur incitation de ce dernier que je fis le choix dans le cours d'une expédition d'une durée de deux mois au Maroc de partir à la recherche du serpent présenté en ce temps dans la littérature spécialisée comme étant le plus rare de ce pays, l'Echide à ventre blanc (Echis carinatus leucogaster), une vipère de petite taille, appelée également Vipère des pyramides. Répandue dans de nombreux pays, on ne connaissait alors sa présence que dans quelques rares stations au Maroc, dont en premier lieu celle des environs de la localité d'Aouinet Torkoz à l'extrême Nord du Sahara marocain.

Une soirée mémorable du 11 août 2002, j’eus la chance insigne de trouver cette vipère, après tant d'autres repartis frustrés, et d'être le premier [1] au Maroc à la photographier vivante ! Serpent réputé comme possédant le venin le plus dangereux à l'époque dans ce pays, faute notamment alors de sérum approprié, mais combien inoffensif relativement à bien des hommes. Jordi Magraner, lui, avait été la victime d'un tueur un peu plus d'une semaine plus tôt entre le 2 et le 3 août 2002.

L'assassinat de Jordi Magraner

Comme Trotsky, il avait été assassiné assis devant sa table de travail (non pas comme le fondateur de l'Armée rouge et l'adversaire le plus visionnaire de la politique de Staline d'un coup de pointe de piolet asséné sournoisement par derrière dans le crane par Ramón Mercader un 21 août 1940), mais au moyen d'une lame de couteau par un tueur dont le nom demeure inconnu. Coïncidence des consonances, du mois et des origines (Magraner, bien que franco-français, était Catalan d'origine comme Mercader), mais convergence des sournoiseries, car un homme que Jordi Magraner devait connaître (Trotsky connaissait son meurtrier) ou du moins en qui il avait suffisamment confiance, pour s'asseoir dos tourné à l'assassin, l'avait égorgé dans sa maison à Krakal dans la vallée de Bumburet au Pakistan.

Égorger est le moyen rituel utilisé pour tuer les animaux. Alors, le passage de l'égorgement d'un mouton à un homme ne demande t-il pas de franchir un tout petit pas pratique, d'autant plus petit que celui qui doit être tué n'est dans le meilleur des cas qu'un « mécréant » ?

« Quand le légiste procède à l'analyse du cadavre que la police avait étendu dans la salle d'autopsie à 19h45 le 3 août 2002, il déclara :

-ce n'est pas du boulot d'amateurs. C'est un travail de spécialistes, de gens entraînés » relate Gabi Martinez.

Magraner se sentait menacé, des bruits couraient sur lui, il était accusé parfois de pédophilie, d'autres fois d'espionnage, il était en outre connu pour prendre la défense des Kalash, un tout petit peuple polythéiste qui ne compte plus que 3000 à 6000 individus contre 100.000 au  XIXe siècle. « La grande majorité a dû se convertir, sous la pression grandissante d’un islam velléitaire gangrenant le Pakistan. » peut on lire sous la plume de Nicolas Autheman dans le Monde diplomatique de mai 2010. Les talibans faisaient parler d'eux, l'insécurité pour les non-Musulmans s'accroissait…

Mais plus de trois mois plus tôt, le 8 mai 2002 à Karachi au Pakistan, un attentat-suicide avait provoqué la mort de 14 personnes dont 11 employés français de la Direction des constructions navales (DCN) qui s'apprêtaient à rejoindre le chantier des sous-marins Agosta 90B. Ils « achevaient les sous-marins vendus au Pakistan. Parmi les nombreuses pistes évoquées, celle des propres services secrets pakistanais, en avertissement à la France qui s’apprêtait à conclure le même contrat avec l’Inde, l’ennemi juré… » nous apprend François Teutsch dans Boulevard Voltaire.

Alors les talibans ou les services secrets pakistanais étaient-ils responsables de l'assassinat de Jordi? Directement ou indirectement en laissant faire? Le lendemain de la découverte de la mort de Jordi Magraner, la police retrouva dans les latrines du couloir qui reliait la chambre au bureau le corps sans vie de Wazir, le jeune Kalash (12 ans) qui habitait chez Jordi. L'enfant s'était fait également égorger, il était quasiment décapité, son sang était frais, ceci à la différence de celui de Jordi qui était sec. Il gisait juste derrière la porte, la police n'avait qu'à l'ouvrir. Il semblerait bien que l'enfant s'était caché là, qu'il avait été découvert et que l'on avait voulu supprimer un témoin…

À la recherche du barmanou !

Quelques mois plus tôt, j'avais lu Des pas dans la neige. Aventures au Pakistan de Erik L'Homme (oui, c'est son vrai nom) qui a préfacé cette biographie de Jordi Magraner, dont il était ami et qui avait partagé avec lui une partie non négligeable de ses recherches de l'Homme sauvage au Nord du Pakistan. On y rencontre souvent Jordi, ce n'est toutefois pas l'objet principal de ce récit au demeurant très intéressant, agréablement écrit, qui relate la recherche du barmanou et la rencontre avec les Kalash, « appelés kafir (« infidèles ») par leurs voisins musulmans », écrit Erik L'Homme.

J'avais appris l'existence de Magraner, il y a quelques années déjà. Après avoir lu un ouvrage dont le titre ne pouvait manquer d’interpeller : L 'Homme de Néanderthal est toujours vivant de Bernard Heuvelmans et B. F. Porchnev (l'ouvrage a été récemment réédité), j'avais voulu en savoir plus et j'étais tombé sur le nom de Jordi Magraner et ses recherches.

Je me dois de préciser que Bernard Heuvelmans avait vu et photographié, conservé dans la glace et exposé dans une roulotte foraine au Minnesota dans l'Etat de l'Oregon, ce qui lui est apparu comme étant un authentique homme de type « néandertalien ». Le cadavre supposé avait ensuite été retiré de la circulation par son propriétaire. Heuvelmans n'ayant plus la possibilité de présenter cette preuve matérielle de son existence décida d'écrire ce livre, agrémenté de photos et de dessins basés sur les photos, où il argumente sa conviction de l'authenticité du cadavre photographié et de l'existence actuelle d'hommes de type « néandertalien» [2].

Plus tard, sur Internet, j'avais téléchargé Les hominidés reliques d'Asie centrale (1992), un document où Jordi exposait sa méthode et les résultats obtenus. Troublant...

Toujours sur cette vaste bibliothèque et vidéothèque qu'offre le monde numérique, j'ai pu voir récemment des parties de Sur la piste de l'Homme sauvage, un documentaire de 52 minutes de Pascal Sutra Fourcade, présenté sur Arte, consacré à Magraner et ses recherches sur le terrain. J'ai reconnu des personnages qui m'étaient devenus presque familiers à travers mes lectures : Jordi en personne, Shamsur, alors très jeune, l'inséparable Fjord le chien (un pur malamute d'Alaska) et des "témoins oculaires" du barmanou.

Sur Internet encore, j'ai pu voir Magraner lors de sa participation à la télévision belge pour discuter de l'existence ou non des hommes sauvages en général... Je note d'ailleurs que le Paléontologue Yves Coppens, également présent, admettait la possibilité qu'il puisse exister un hominidé vivant encore inconnu des scientifiques, là-bas quelque part en Asie centrale. Là, où Jordi Magraner entreprenait des recherches qui en recoupaient d'autres. Notamment celles d'une « Française émigrée en Russie, Marie-Jeanne Koffmann, une femme impressionnante, ex-capitaine dans l'Armée rouge, alpiniste, ayant fait la guerre dans le Caucase », selon les mots du journaliste Pierre Lagrange dans le journal Le Point.

Au tout début Jordi avait mis sur pieds une étude répartie en deux missions (il y en aura d'autres, il repartira de nouveau et résidera là-bas jusqu'à son assassinat) dans une région englobant le district de Chitral et ses entités limitrophes au Nord du Pakistan d'une durée totale de 19 mois. La première, destinée à « défricher le terrain » et assisté de Yannick L'Homme qui assurait les photographies, de décembre 1987 à novembre 1988 et la seconde de janvier à octobre 1990 en compagnie de Erick L'Homme, frère du premier et l'auteur du récit d'aventures mentionné plus haut vouées à la recherche d'un hominidé relique, appelé localement barmanou. Dans le Caucase, il est appelé almasty.

Jordi Magraner explique la démarche qu'il avait choisie: « Victime de la médiatisation et de l'amalgame avec la légende de l'Homme des neiges, le véritable problème posé, c'est-à-dire l'existence plausible d'un hominidé différent de l'Homo sapiens sapiens, n' a pas retenu l'attention des scientifiques, à quelques exceptions près. L'investigation sur le terrain a suscité un vif intérêt auprès d'amateurs passionnés, mais dépourvus de rigueur et de méthode.

Cette approche méthodique me paraissait la première à concevoir avant d'émettre un avis quelconque sur cette question. C'est ainsi que naquit l'idée de recueillir à nouveau des témoignages, mais en procédant cette fois d'une façon tout à fait scientifique et en tant que zoologiste. »

Pour ce faire Jordi alla jusqu’à apprendre le chitrali, la langue locale. Sa méthode d'une grande rigueur scientifique consista en l'élaboration d'un protocole d’investigation qui, écrit Michel Raynal, « utilisait un questionnaire à choix multiple portant sur 63 critères anatomiques : les 53 critères définis par Heuvelmans sur l’homme congelé, plus 10 autres ajoutés par Jordi Magraner. Les questions sont donc neutres ; par exemple : "les membres supérieurs sont-ils longs ou courts ?" [ caractère n° 35 ], "le pied est-il large, étroit ?" [ caractère n° 47 ], etc. Il posait les questions dans le désordre, et plusieurs fois les mêmes questions. D’où une grande richesse des rapports ( bien sûr, le témoin n’a parfois pas vu tel détail, ou ne s’en souvenait plus ). Le tableau synoptique obtenu des 27 témoignages et des 63 caractères est d’une cohérence quasi-parfaite avec celui d’Heuvelmans... »

Jordi Maganer, dans le cours de ses investigations montrait aux témoins quelques 90 représentations (Photos, dessins) de créatures velues d'apparence humaine, dont des ours qui pouvaient dans certaines circonstances être confondus avec des humanoïdes. Ces ours étaient montré dans les attitudes les plus humaines possibles... Il présentait des singes anthropoïdes (gorilles, orangs-outans, chimpanzés...) et d'autres singes, tels des macaques, mais aussi des représentants de Chasseurs-cueilleurs, comme les Aborigènes d’Australie, les Pygmées, les Bushmen, les Aïnous, des reconstitutions d’hommes préhistoriques et de primates comme les australopithèques et les pithécanthropes, les hommes de Cro-Magnon et de Néanderthal, ainsi que l'homme dit « pongoïde », dont Bernard Heuvelmans avait fait réaliser des dessins basés sur ses photos prises de « l'homme congelé ».

Michel Raynal rapporte qu'à « ce stade de l’enquête, tous les témoins ont désigné l’homme pongoïde, c’est-à-dire le dessin effectué par Alika Lindbergh sous les directives d’Heuvelmans, de l’aspect du spécimen congelé », tel qu'il devait être à l’état vivant... [3]

J'aurais aimé connaître Jordi Magraner, aller sur le terrain avec lui et discuter à la fois des perspectives de nouvelles recherches sur le barmanou (afin de confirmer ou... infirmer son existence) et sur la situation tragique du peuple kalash dans un environnement religieux (musulman) hostile. Sans doute, dans ces années-là surtout, nous serions nous disputés sur des questions politiques. Mais s'il vivait encore de nos jours, nous aurions peut-être pu trouver un terrain d'entente dans ce monde où le paradigme d'aujourd'hui diffère de l'ancien sur un point devenu crucial : celui d'un fondamentalisme musulman qui oblige les uns et les autres à se repositionner...

NOTES:

[1] Quelques années plus tard, la chance se représenta et je pus photographier un autre exemplaire vivant de cette espèce, cette fois dans une toute nouvelle station, près d'Agdz au Maroc. Entre temps de nouveaux représentants de ce serpent ont été photographiés par El Kentaoui Lazghem, Gabri Mtnez, Jean Chevallier, etc.

[2] Voir: http://www.art-3.org/art-contemporain/wp-content/uploads/HOMME-CONGELE-EDITION-art3.pdf

[3] Plus d'informations sur ce thème ici: http://cryptozoo.pagesperso-orange.fr/vedettes/hom_sauv.htm

"Les hominidés reliques d'Asie centrale". Par Jordi Magraner

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ven.

02

janv.

2015

Quelques réflexions attenantes au nouveau Jardin zoologique de Rabat...

Diaporama présentant un choix d'espèces du Jardin zoologique de Rabat...

Quelques réflexions attenantes au nouveau Jardin zoologique de Rabat...

Visite du nouveau Jardin zoologique de Rabat

Pour la deuxième fois en une année, invités, mon ami Nicolas et moi-même, par le directeur technique, le Dr Abderrahim Essalhi, j'ai visité le nouveau Jardin zoologique de Rabat. Celui-ci a remplacé l'ancien zoo de Temara où les animaux étaient dans l'ensemble mal lotis. Il donne corps à un tout nouveau concept au Maroc.

A bien des égards, le jardin zoologique est bel et bien devenu un vaste parc, très propre et bien entretenu, où bon nombre de pensionnaires habitent de grands enclos. Les gazelles dorcas et dama mohr, par exemple, peuvent courir et choisir de rester à distance des visiteurs.

Les animaux disposent clairement de plus d'espace qu'auparavant. Il est à l'évidence très différent d'un triste zoo comme celui de Casablanca, particulièrement lamentable et frappé de décrépitude. Le jardin zoologique de Rabat a reçu en 2014 le certificat d'excellence «Trip Advisor», qui récompense la régularité et la qualité des services prodigués aux visiteurs. Bien qu'il s'agisse d'un site américain de référencement et de notation des services et des établissements touristiques et non d'un jugement porté par des éthologues ou des zoologues, ce certificat témoigne de l'existence d'une qualité nouvelle, bien éloignée de ce qui peut se passer ailleurs au Maroc et plus généralement en Afrique. « Il existe cependant quelques établissements intéressants, comme les Zoos d'Alger (Algérie) ou de Pretoria et de Johannesburg (Afrique du Sud). Depuis sa reconstruction en 2008-2011, imposée par un état général assez dégradé de l'ancien Zoo de Témara, le nouveau Zoo de Rabat au Maroc, ouvert le 14 janvier 2012, doit aussi être mentionné, car d'une part, il est neuf et va encore être agrandi, il a des montagnes artificielles, des habitats reconstitués et est très beau » peut-on lire sur Wikipédia...

Contester à tout prix, comme on peut parfois le lire, que le progrès existe ou puisse exister (tout est perfectible) en matière de maintien d'animaux sauvages en captivité me paraît desservir les animaux concernés. Cela revient dans le fonds à tout renvoyer dos à dos et ne pas encourager l'amélioration des conditions de vie dans les zoos et parcs animaliers ou leur transfert, là où les animaux ont de meilleures perspectives.

Concrètement, cette posture signifie qu'il importe peu que les lions soient au zoo de Casablanca ou au nouveau Jardin zoologique de Rabat, puisqu'ils sont dans les deux cas maintenus en détention. Or la différence est manifeste.

Certes, les besoins des espèces sont différents. Certaines sont objectivement plus exigeantes que d'autres. Et là se trouve l'un des plus grands défis posé aux responsables de structures modernes comme celle de Rabat. Les échanges internationaux de savoir faire sont certainement un moyen de faire toujours mieux. Mais n'est-ce pas là l'un des problèmes que le nouveau jardin zoologique s'est attelé à résoudre ?

Le plus grand groupe existant de lions de l'Atlas!

Mais il y a autre chose et ce ne peut être balayé d'un revers de main. Prenons l'exemple des lions de Rabat. Ce sont des lions de l'Atlas, une sous-espèce exterminée dans la nature, laquelle peuplait l'Afrique du Nord. Le dernier représentant sauvage fut vraisemblablement abattu en 1942 à Taddert sur le versant nord du Tizi n'Tichka (« col des pâturages » en tamazight) dans le Haut Atlas marocain. Elle n'a donc d'existence qu'en captivité et grâce à celle-ci. Il ne resterait que quatre-vingt-dix lions de l’Atlas dans le monde, répartis dans divers zoos ou parcs. Le plus grand groupe (trente-cinq) se trouve au Jardin zoologique de Rabat. Ceci souligne l' importance de ce dernier. Que les lions présents à Rabat, comme au Port Lympne Wild Animal Park au Royaume-Uni ou encore au Parc zoologique de Montpellier, puissent ne pas être de purs représentants de cette sous-espèce ne fait que souligner l'importance d'un programme d'élevage et de sélection des spécimens les plus proches génétiquement de la sous-espèce à des fins de reconstitution génétique du lion de l'Atlas.

Sa réintroduction était, par ailleurs, prévue, mais  « face au refus catégorique des populations, inquiètes pour leur bétail et pour elles-mêmes, le programme a une nouvelle fois été abandonné. » [1]

Un jour - il faut œuvrer au Maroc et internationalement pour cela - une réintroduction dans la nature pourra être de nouveau envisagée...

Les hyènes rayées...

J'ai vu au Jardin zoologique un couple de hyènes rayées. Voilà une espèce que je désirais depuis longtemps voir dans la nature et que je désire toujours fortement aller rencontrer et photographier dans son milieu naturel [2]. Or celle-ci a totalement été éradiquée au Sahara atlantique, l'ex-Sahara dit espagnol, région que je parcours depuis des années. Il en existe toutefois encore quelques rares individus le long du djebel Ouarkziz, situé près d'une portion du Drâa, au nord du Sahara, ainsi que çà et là au sud de Tiznit (communication personnelle d'un enseignant à la retraite), dans le Moyen Atlas et dans l'Oriental (communication personnelle d'un agent des Eaux & Forêts du Maroc).

La Hyène rayée s'est considérablement raréfiée. Elle a été victime d'empoisonnements et de la vindicte des ruraux. Ainsi que des militaires qui colportent au bout du canon de leurs armes les préjugés [3]. Et surtout, elle paye un lourd tribut aux besoins en sorcellerie. Le prix d'un cadavre de hyène n'a cessé d'augmenter. Il pourrait dépasser les 150.000 DH (15.000 Euros) et quelques grammes de leur cervelle sont vendus à partir de 500 DH ! [4] Au Maroc, on attribue couramment à la composition de son cerveau des propriétés chimiques aussi inimaginables à un esprit rationnel qu'elles sont imaginables aux esprits imprégnés de croyances plus irrationnelles les unes que les autres. L'absorption d'un peu du cerveau de cet animal conduirait à un esclavage psychologique et physique du consommateur !

La présence de ce couple de hyènes rayées au Jardin zoologique pourrait conduire à des naissances. Je ne peux qu'espérer et encourager les Marocains à participer à un programme d'élevage et de reproduction à des fins de réintroduction de cette espèce, là où elle a disparu, et de renforcement des populations menacées à terme de disparition.

Nous devons opérer une révolution mentale...

Concernant la question de la captivité ou plus précisément celle de l'élevage d'animaux sauvages dans des conditions de maintien reproduisant autant que faire ce peut celles de la vie sauvage, il y a et il y aura toujours des progrès à faire. Et ils doivent être faits. Mais l'idéal, ce ne peut être que la réintroduction dans la nature...

Les chimpanzés présents ont vu leur qualité de vie être considérablement améliorée. Du moins, cette observation se rapporte-t-elle au deux qui sont visibles. Je me souviens de ces chimpanzés de l'ancien zoo de Rabat enfermés derrière des barreaux dans des cages. Aujourd'hui, ils disposent de substantiellement plus d'espace dans un grand enclos. Mais ne pourraient-ils pas être inclus dans un programme de remise en liberté et rejoindre enfin ceux de leurs congénères qui en ont déjà bénéficié ? Il faut voir ce documentaire montrant un chimpanzé saluant une dernière fois trois personnes, dont Jane Goodall enlacée dans un geste d'adieu, avant de s'enfoncer dans la forêt rejoindre d'autres chimpanzés. 

Je pense que ces primates sont à bien des égards des représentants d'une autre humanité, à l'évolution différente de la nôtre, restée plus « primitive » du point de vue cognitif, mais qui ressentent leur état de captifs avec une frustration ouvertement exprimée. Ils nous regardent autant que nous le faisons, recherchant moins la communication que nous défiant dans ce rapport de forces inégal que nous leur avons imposé.

Je ne suis pas un fan de la présence d'animaux sauvages hors des espaces naturels et des écosystèmes, dont ils sont parties constituantes. Pour autant je ne suis pas partisan du tout ou rien. En l'état réel des choses, je reconnais l'utilité de certaines structures gérées par des hommes et pouvant faire office de réservoirs génétiques. C'est un moindre mal. Ils servent ou pourront servir demain ou après-demain à réintroduire des espèces ou à renforcer des populations sauvages données par l'apport d'individus issus d'élevages. Toutefois, l'élevage d'animaux doit se rapprocher de conditions de maintien reproduisant autant que faire ce peut celles de la vie sauvage. C'est une question de moyens matériels, mais aussi et surtout de volonté.

La principale fonction pédagogique de leur raison d'être devrait être que les animaux ne soient là que transitoirement, faute de mieux, et que les hommes à tous les niveaux, visiteurs inclus, soient là pour leur bien-être relatif dans les conditions de la captivité et la pérennité de leur espèce. Il s'agit de l'expliquer en toute clarté et de le rappeler aux visiteurs. Ces derniers doivent commencer à intégrer mentalement cette approche afin de cesser de considérer que les animaux présents sont là afin principalement d'être vus par les enfants et leurs parents. Les visiteurs doivent apprendre à penser que les pensionnaires ne doivent pas être d'abord présentés au public. Les animaux doivent prioritairement jouir des meilleures conditions d'existence. Pour ce faire, si pouvoir se cacher est indispensable à leur qualité de vie, alors les pensionnaires ne doivent pouvoir être vus qu'après une longue attente, voire par l'effet d'un coup de chance.

Nous devons tous, nous animaux humains, opérer une révolution mentale. Nous devons dorénavant penser que nous sommes là pour les animaux non humains et non plus eux pour nous. Pendant trop longtemps, la majorité de l'humanité [5] n'a su qu'exploiter et piller sans vergogne la nature et la vider de ses habitants. Ces temps-là qui nous ont précédé depuis au moins la révolution néolithique, excepté partiellement chez les peuples de chasseurs-cueilleurs, doivent être conceptuellement derrière nous. Tous les peuples constituant l'espèce humaine ont fortement à gagner à la mise en place d'un renversement de perspective consistant à nous transformer de barbares pillards en gestionnaires généreux de la faune sauvage mus par un abandon salvateur de l’anthropocentrisme.

Par Michel AYMERICH

NOTES:

[1] Stéphanie JACOB, « Le retour du lion de l’Atlas? » L'économiste, Édition N° 4087 du 2013/08/02.

[2] J'ai eu une fois la chance de photographier des traces dans le bas Drâa... J'aimerais aller les photographier en Israël où les chances d'en voir sont bien moins aléatoires. Deux de mes amis, un Espagnol qui s'est rendu là-bas faire des photos de reptiles et un citoyen israélien ont vu des hyènes rayées, chacun séparément de l'autre et à des périodes différentes, sans avoir chercher à les rencontrer ! Dans ce pays, elles sont protégées, les lois de protection effectivement appliquées et surtout respectées. Trois conditions indispensables à leur survie...

[3] Un ami français résidant à Dakhla m'a raconté comment un officier des FAR lui avait rapporté avoir été partie prenante de ce qui suit: une hyène rayée capturée, enfermée dans une cage, avait été brûlée vivante ! Il avait, donc, participé à l'éradication d'une des dernières hyènes de la région...

[4] Noura Mounib, « Sorcellerie Escroquerie à la cervelle de l’'hyène », L'observateur du Maroc le 08 - 03 – 2010.

[5] Voir mon article « L'humanité, ce sont également les peuples de chasseurs-cueilleurs... »

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mar.

18

nov.

2014

Comment je me suis débarrassé définitivement de ma phobie des araignées

Arachnophobie! ©Michel Aymerich
Arachnophobie! ©Michel Aymerich
Renate. Parsemée de Mygales... Toutes authentiques, vivantes, mais inoffensives!   ©Michel Aymerich
Renate. Parsemée de Mygales... Toutes authentiques, vivantes, mais inoffensives! ©Michel Aymerich

Comment je me suis débarrassé définitivement de ma phobie des araignées...

Araignée saharienne du genre Cerbalus
Araignée saharienne du genre Cerbalus

Au mois de juillet Laura

 

C'était au mois de juillet de cette année, au bord de la Méditerranée. Son passage illuminait la plage, ajoutant au soleil le rayonnement de sa beauté. Elle avait 17 ans et s'appelait Laura. Elle vendait beignets, chouchous, glaces et boissons. C'était son job d'été afin de financer ses vacances. J'aimais lui acheter un beignet ou une tasse de café. Nous avions sympathisé.

 

Elle prenait toujours le temps de me raconter sa journée et une fois me posa la question de ce que je faisais. Je lui ai alors parlé de mes voyages, des livres publiés, de la photographie animalière. Et quand j'ai évoqué mes photos de serpents, elle m'a spontanément répondu que sa mère en avait très peur. Quant à elle, Laura, c'était les araignées qu'elle craignait. Une phobie selon elle. Je lui confiai alors que très jeune j'avais eu également ce qui pouvait s'apparenter à une phobie de ces arachnides, mais que j'étais parvenu à la surmonter et même à la faire totalement disparaître. Je lui relatai brièvement comment j'avais procédé et l'invitai sans plus de précisions à aller revoir mon site Internet qu'elle avait déjà été visité. Elle avait même lu un article.

 

Je prévoyais de mettre par écrit comment j'avais procédé pour mettre définitivement un terme à ma phobie. Plus précisément que je ne l'avais fait oralement. Mon ami Oussama de Rabat à qui j'avais déjà raconté mon histoire m'avait encouragé à la partager avec le plus grand nombre. Il avait argumenté que cela pourrait aider d'autres personnes. J'avais acquiescé. C'était avant Laura et son beau sourire...

 

Un désir enfin réanimé de partager mon histoire

 

 Mais de retour du Maroc au printemps dernier, j'avais perdu jusqu'à ces derniers jours le goût d'y venir plus tôt. A cela plusieurs raisons. J'avais laissé mes doux amis canidés du camping municipal de Dakhla, désormais exposés à une mort probable. Un assassinat prévisible de l'innocence.

 

 Toujours à Dakhla des amis avaient été contraint de quitter leur travail d'une manière parfaitement injuste, illégale, scandaleuse. Ils avaient été virés sur une base ethnique. Oui, parce qu'ils étaient Français, "de souche", comme il semblerait que cela est été perçu.

 

Consterné, j'avais vu partout, vendu sur les étalages des  kiosques et sur les trottoirs des villes de Dakhla, de Casablanca et Rabat, "Mein Kampf" traduit en arabe. Également des livres sur Hitler, sur d'autres nazis et de l'islamiste Youssef Al-Qaradâwî (1). A bas prix. Cela au vu et au su des citoyens marocains (parmi lesquels, l'infime minorité juive qui tient à ne pas se faire remarquer), des résidents européens et des touristes, sans que cela ne fasse scandale et soit rapporté, dénoncé. Cela me choqua profondément. Et cela continuera de me choquer durablement. Nul besoin d'être Juif pour cela. Ma réaction est entièrement légitime. C'est l'absence de réaction qui pose problème...

 

Tout ceci associé à des événements terribles, dont l'égorgement jusqu'à ce que la tête soit séparée du tronc de mon compatriote, le photographe et guide Hervé Gourdel, au profil si proche de personnes qui m'accompagnèrent à plusieurs reprises dans différentes expéditions. Cette actualité internationale, dont particulièrement le siège de la ville kurde de Kobanê (2) qui menaçait d'être anéantie par les hordes de "l'Etat islamique" (Daech), achevait pour quelque temps de m'ôter le goût de donner suite à mon projet d'article.

 

Les semaines et les mois passant, certains de mes amis qui ont retrouvé leur travail, hélas pas tous, la création inespérée d'un Observatoire Marocain de Lutte contre l'Antisémitisme (3) au Maroc par Omar Louzi, chantre infatigable de l'amazighité, et la résistance héroïque des combattantes et combattants kurdes des Unités de protection populaire (YPG) en passe de remporter la bataille de Kobanê ont participé à la réanimation de mon désir de partager cette histoire que je vous raconte maintenant.

 

Ce poème qui me fit réfléchir

 

Je n'acceptais pas ma phobie des araignées. Déjà très jeune, je ne l'avais intellectuellement jamais assumée. Elle était logiquement indéfendable. Une fois, j'avais lu un poème écrit par un enfant. Nous avions peut-être le même âge. Et cet enfant avait écrit un poème sur une araignée. Je m'en souviens, c'était sur l'Épeire diadème et sa toile. Une araignée qui ajoute au mystère de son existence, l'impressionnant port dorsal d'un dessin en forme de croix semblable à celles qui ornent les tombeaux. Symbole qui dans l'inconscient culturel imprégné de christianisme, que l'on soit croyant ou athée, est associé à la mort.

 

J'étais étonné. D'autant plus que cet enfant manifestait par écrit son admiration de la toile que l'épeire fabrique chaque matin. Toile toujours renouvelée. Toile harmonieuse en laquelle Dame Nature manifestait toute son ingéniosité. L'œuvre d'un arachnide, dont je découvrais qu'un autre et contrairement à moi savait en apprécier la beauté. Et précisément sur cet être qui suscitait chez moi de la répulsion, un enfant peut être aussi jeune que je l'étais, avait écrit un poème élogieux! Cela ne fut pas seulement de la surprise que j'éprouvais alors. Je ressentais une gêne honteuse. Ce poème me fit réfléchir. Alors que les préjugés à l'égard des mal-aimés que sont serpents et scorpions m'étaient complètement étrangers et m'indignaient, j'étais victime d'une forme de phobie à l'égard des araignées. Comment l'accepter à l'égard de ces dernières, alors que je ne pouvais la justifier envers des serpents ou des scorpions? Il s'agissait là pourtant de préjugés du même acabit. Il me fallait, donc, pour être cohérent – et c'était important à mes yeux- déconstruire l'édifice mental sur lequel elle reposait.

 

Une introspection nécessaire

 

Alors une fois, je pris la décision de la surmonter et de l'éradiquer à la source! Pour ce faire, je pratiquais une introspection en profondeur qui m'amena le plus clairement possible à me poser une série de questions. Qu'est-ce que je n'aimais pas chez les araignées et pourquoi? Ce que je n'aimais pas était lié inconsciemment à une peur logiquement absurde de la partie "ventrale" de leur céphalothorax. J'imaginais d'une manière diffuse un centre dangereux d'où partaient les huit pattes (4) qui pourraient m'agripper un doigt. Je comprendrai plus tard qu'ayant entendu dire, enfant, que les poulpes pouvaient mordre à l'aide d'un bec situé au départ des tentacules, j'opérais inconsciemment un amalgame. J'ai d'ailleurs éprouvé longtemps de la répulsion et de la crainte envers ces céphalopodes munis de huit bras. Et le dépassement radical de ma phobie à l'égard des araignées a été un moment décisif qui aujourd'hui me permet d'apprécier sans réserves le déplacement majestueux d'un poulpe.

 

Je me rendis compte aussi que je craignais surtout les "petites" araignées. Certes pas les toutes petites que sont les jolies salticides, mais les araignées "communes" rencontrées au Maroc et en France. Je n'avais, en effet, pas une peur démesurée des grosses mygales. D'ailleurs, une photo montrant un homme couvert de mygales (sans doute de magnifiques mygales mexicaines, Brachypelma smithi) n'avait pas provoqué en moi une vraie répulsion, mais plutôt un questionnement intrigué. Les mygales étant selon toute l'apparence parfaitement authentiques, cet homme savait donc ce qu'il faisait... J'apprendrai plus tard que les mygales ne sont pas dangereuses pour l'Homme. Dans le fonds, les grosses mygales par leur aspect général, leur taille et leur "pilosité", me faisaient inconsciemment penser à de petits mammifères (5). Et puis les mygales semblaient placides. Elles déambulent, en effet, plutôt lentement...

 

Les "petites" araignées quant à elles courent vite, s’enfuient, s'échappent facilement. Et voilà! C'était cela dont j'avais peur. Elles me paraissaient incontrôlables. Un scorpion, je pouvais le saisir par le dard ou le laisser se déplacer sur une main, puis sur l'autre, sachant que dans ces conditions il ne piquerait pas. Il n'allait pas déguerpir et disparaître, comme une araignée pourrait le faire.

 

Un serpent pareillement ne me posait aucun problème. J'aimais leur contact et c'est toujours le cas (6). Depuis très jeune, je savais manipuler une couleuvre. Plus tard, ce sera également des serpents venimeux. Vipères, cobras, bongares... Un serpent, je pouvais le maîtriser en le tenant derrière la tête ou en le tenant par la queue. Mais une araignée... Je n'imaginais pas la saisir, sans risquer de l'écraser entre les doigts ou lui casser une patte. Ce qui ne pouvait en aucun cas correspondre à mon intention. La laisser courir à sa guise sur ma main, voilà ce que j'excluais. Elle allait disparaître de ma vue.

 

L'auto-guérison!

 

Mais pourquoi je ne le souhaitais pas? Que craignais-je? La réponse qui me vint à l'esprit était que dans le fonds l'appréhension qu'elle puisse aller dans mon dos était ce qui me dérangeait au-delà du raisonnable.

 

Je me posais alors la question suivante. Et alors? Si réellement elle part dans mon dos, de quoi donc dois-je avoir peur? La réponse se dessina confusément dans mon esprit, tant elle était contrebalancée par la conscience de son absurdité. Je ne souhaitais pas être mordu! Alors, tout en ayant conscience que ce risque relevait de la plus grande des improbabilités, je pris la résolution de penser: "Eh bien, ce n'est que de cela, dont j'ai peur? Une simple morsure! Une morsure éventuelle qui n’occasionnerait que peu de choses! Eh bien", pensai-je, "qu'elle me morde! Je l'y "autorise", je m'en moque!". Après tout, bien qu'encore enfant, je savais déjà à l'époque que leur grande majorité les araignées n'étaient pas dangereuses. Je ne connaissais d'ailleurs aucun exemple d'espèce de la région de Montpellier où je me trouvais alors qui soit potentiellement dangereuse pour l'homme (7).

 

J'avais gardé une araignée dans un bocal, pendant que je me livrais à mon introspection. Je décidai alors d'utiliser une méthode radicale. Celle d'ouvrir le couvercle et de renverser son contenu "velu" dans mon dos dénudé. Je savais pertinemment que rien ne se passerait. Il n'y avait aucune raison logique à cela. Mais j'avais besoin de ce stratagème psychologique. Alors que je passai à l'acte, je parlai mentalement à l'araignée: "Allez, mords moi, çà m'est égal!". Évidemment, rien ne se passa et l'araignée se contenta de déguerpir, puis d'aller au sol...

 

A partir de ce moment là s'opéra en moi un tournant radical. L'essentiel de ma peur avait disparu. J'en avais détruit le noyau. Ce qu'il en restait, j'ai continué à le démonter. A déconstruire lambeau par lambeau ce qui subsistait. Ainsi, chaque fois que je voyais une araignée en plein milieu d'une toile, par exemple une argiope lobée, je la touchais du doigt provoquant selon la pression soit un balancement de celle ci sur sa toile, soit sa fuite hors du centre vers la périphérie. Quand je trouvais une araignée à l'entrée de son terrier, je plaçais mon doigt au bord provoquant un retrait de son habitante vers le fonds sombre où elle disparaissait. Évidemment l'araignée ne me mordait pas le doigt. Elle évitait la confrontation avec ce prédateur éventuel que je pouvais être.

 

Ainsi, après avoir opéré un tournant radical et l'avoir consolidé, je suis parvenu à voir les araignées, toutes les espèces, quelques soient leur taille et leur morphologie, de manière totalement nouvelle. Ou plutôt, j'ai commencé à vraiment les voir, ce qui m'a permis de pouvoir aimer leur beauté intrinsèque. Aujourd'hui leur anatomie, leurs couleurs, leurs déplacements, leurs toiles, leurs méthodes de chasse, leurs façons de s'accoupler m'émerveillent. Cette peur ancienne que j'ai éprouvée n'est plus qu'un souvenir factuel. Il n'en reste strictement rien au niveau du ressenti.

 

Michel AYMERICH

 

Notes

 

(1) Le 30 janvier 2009, al-Qaradâwî tient ces propos sur la chaîne Al Jazeera :  "Tout au long de l'histoire, Allah a imposé aux [Juifs] des personnes qui les puniraient de leur corruption. Le dernier châtiment a été administré par Hitler. Avec tout ce qu'il leur a fait — et bien qu'ils [les Juifs] aient exagéré les faits —, il a réussi à les remettre à leur place. C'était un châtiment divin. Si Allah veut, la prochaine fois, ce sera par la main des croyants"

 http://www.memritv.org/clip/en/2005.htm

 

(2)Voir Kobanê-Stalingrad...

 

(3) Sur leur page Facebook, on peut lire la description suivante: "Observatoire qui a pour objectif principal: Dénoncer les antisémites et promouvoir la Paix entre israéliens et palestiniens."

 

(4) La classe des arachnides comprend les acariens, les araignées, les amblypyges, les uropyges, les scorpions, les solifuges, les opilions et d'autres arthropodes chélicérés. Ils se distinguent au sein de l’embranchement des arthropodes par le fait qu'ils possèdent quatre paires de pattes et n'ont ni ailes ni antennes ni mandibules. Leurs yeux sont simples et non composés. Ce ne sont pas des insectes qui, eux, ont six pattes...

 

 (5) Alors que j'habitais l'Allemagne et que ma crainte des araignées n'était plus qu'un lointain et vague souvenir, je montrais à une amie des mygales cédées par un homme qui tombé dans une dépression ne pouvait plus correctement s'en occuper. Elle me dit que ces araignées lui faisaient penser à des "Kuscheltiere" (animaux en peluche).

 

(6) Voir mon article: Réaction face à une coronelle massacrée...

 

(7) Un peu plus tard, j'apprendrai qu'il existe une espèce de veuve noire méditerranéenne (Latrodectus tredecimguttatus), appelée "malmignate", à la morsure douloureuse, mais dont aucun cas mortel semble avoir été rapporté en France...

Divers arachnides: araignées, solifuges, scorpions!

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mer.

05

mars

2014

Chinois et serpents...

Avec Ptyas korros © Michel Aymerich
Xinghe avec une couleuvre...

J'ai réalisé une série de photos, lors de trois séjours de quatre semaines dans le sud de la Chine. Le premier en septembre/octobre 2012. Le second du 20 juillet au 17 août 2016 dans différentes provinces à Guangzhou (GUANGDONG); Wuyishan (FUJIAN); Shangrao (JIANGXI); Anqing, Hefei et Lu'an (ANHUI); Mangshan près de Chenzhou (HUNAN); Luzhai près de Liuzhou (GUANGXI). Le dernier du 23 mai au 21 juin dans les provinces du YUNNAN et de nouveau du GUANGXI...

Diaporama (photos réalisées en septembre-octobre 2012) et article...

Chinois et serpents...

Ophiophagus hannah  © Michel Aymerich
Cobra royal

De Guangzhou à Guilin

Après un court séjour passé avec mon amie Chen Xinghe dans l'immense ville de Guangzhou (Canton), troisième plus grande ville de Chine avec ses 12,7 millions d'habitants, nous nous rendons en autocar à Guilin dans la région autonome Zhuang du Guangxi. Là, nous louons une chambre d'hôtel dans une grande avenue, pas très éloignée de la gare routière.

 

Chaque jour, nous nous rendons hors de la ville. Nous parcourons à pieds quelques centaines de mètres et ensuite prenons un bus en direction de Yangshuo. Nous roulons toujours entre une cinquantaine et une soixantaine de km, puis à notre demande le chauffeur nous dépose sur le bas côté de la route. Là où nous le désirons ! Pour retourner sur Guilin, il nous suffira de faire arrêter un des nombreux autocars qui sillonnent la route. Ceci est très pratique...

 

Je choisis les endroits en fonction de leur aspect apparent. Plus la nature me semble indemne de présence humaine dévastatrice, moins il y a de villages aux alentours, plus j'ai tendance à jeter mon dévolu sur le lieu. Après plusieurs tentatives qui correspondent à autant de jours de trouver le milieu adéquat où je pourrais photographier mes pensionnaires du moment et en outre me faire filmer par Xinghe avec un Cobra royal, je finis enfin par trouver un environnement qui me plaît. Les jours suivants, nous reviendrons à cet endroit. Jusqu'à ce que je parvienne à photographier chaque représentant des espèces en ma possession passagère. Ce sont deux Vipères des bambous (Trimeresurus stejnegeri) et une vipère, appelée "habu" (Trimeresurus mucrosquamatus); deux couleuvres, l'une (Eurypholis (= Cyclophiops) major ) au vert splendide et une Couleuvre de Jade (Elaphe mandarina), véritable bijou vivant; un Bongare fascié (Bungarus multicinctus); un Cobra chinois juvénile (Naja atra) et un Cobra royal (Ophiophagus hannah) encore jeune - le plus fascinant de tous !

 

Ces séances de prises de vue nous donneront l'occasion d'apprendre par une paysanne qui passait par là que son fils détenait des serpents. Peu de temps après, son adresse dans un village notée par mon amie, nous partîmes rencontrer cet homme. Quelle aventure ce fut de parvenir jusque là-bas! Si à l'aller nous pûmes faire de l'auto-stop, le retour, nous le fîmes à pieds... Une occasion sur plus de 15 km d'admirer la campagne chinoise dans cette belle région parsemée de monts karstiques végétalisés... Ce fut l'opportunité d'acquérir un magnifique Cobra chinois adulte et une couleuvre (Ptyas korros). Par cet acte, nous leur aurons sans doute évité de terminer dans un plat ou de finir plongés dans de l'alcool... J'ai pu ainsi les photographier pour ensuite les relâcher dans leur biotope, là où leurs chances de survie me paraissaient les meilleures. Le cobra s'enfoncera lentement, tranquillement, avec majesté sous des buissons protecteurs. Nous le suivrons du regard jusqu'à ce qu'il disparaisse de notre vue pour laisser ce souvenir inoubliable d'un serpent dont on pouvait imaginer sa jouissance à regagner cette liberté, dont il avait été privé au risque de la perdre à jamais.

 

Des paysans passent, mais ne s'enfuient pas...

Ce séjour en Chine m'aura permis de constater que comparativement aux pays que je connais un tant soit peu (France, Allemagne, Maroc, Russie, Guinée), la phobie des serpents y est bien moindre. Leur statut est à n'en pas douter très différent dans l'imaginaire de nombreux Chinois, du moins à la campagne. Certes la géographie du pays est immense et sa population est réputée par son nombre. Peut-être existe-t-il des différences régionales. Mais ici, dans ce sud de la Chine, le rapport aux serpents m'est apparu plutôt décontracté.

 

Ainsi, je photographie un Cobra royal. Ce serpent me donne plus qu'un autre du fil à retordre. Il exploite toute situation pour tenter de fuir. Des paysans passent par là à ce moment précis, m'observant courant comme un forcené pour rattraper ce cobra extrêmement vif et « batailleur ». Il se rebiffe inlassablement pour me décourager de l'empêcher de reprendre sa liberté. Il se dresse pour impressioner, me charge pour me contraindre à reculer et se retourne promptement pour fuir. Le serpent peut assurément m'échapper. Je m'inquiète des possibles réactions des observateurs de passage. J'avais fait part auparavant à Xinghe de mes inquiétudes. Je crains des réactions de panique, des protestations. Elle m' avait assuré qu'il n'en serait rien. Je fais l'expérience qu' elle a raison ! Les réactions ici sont sans comparaison possible avec celles que j'ai connues au Maroc et en Guinée, mais aussi dans une moindre mesure en France... Dans les deux premiers pays, les réactions sont fréquemment hystériques. Surtout chez les femmes. Et quand elles ne le sont pas, ces réactions sont soit motivées par la peur, soit par un désir de destruction difficilement contenu. Peur et pulsion de destruction sont inextricablement liées. Mais ici, en Chine, du moins dans la province du Guanxhi, pas un paysan ni une paysanne n'aura crié ni ne se sera enfui à la vision d'un cobra... ou d'un autre serpent, inoffensif ou dangereux. Je n'aurai pas entendu : « Mais, tuez-le !». Personne n'aura manifesté un sentiment de dérangement sous quelque forme que ce soit à la présence d'un ophidien à proximité ou dans un champ de cultures.

 

Une fois, alors que nous nous rendions à un emplacement remarqué la veille, nous vîmes une paysanne sur le chemin. Xinghe lui demanda de ma part si elle voyait des serpents. La femme répondit nonchalamment : « Il y a un serpent très venimeux, un serpent rayé, là où je travaille... ». Elle indiqua du doigt un champ tout proche qu'elle venait de quitter le plus tranquillement du monde, son travail dans le champ étant terminé. Et elle ajouta : « Je le vois de temps en temps...». Cette travailleuse des champs n'était nullement dérangée, encore moins épouvantée par la présence du reptile. Peut-être faisait-elle allusion à un bongare, voire un Cobra royal, deux espèces venimeuses présentant une robe rayée. Une autre fois, en un autre lieu, un paysan s'était arrêté en chemin pour m'observer en silence. Je photographiais à ce moment un Cobra chinois (Naja atra) de belle taille. Après m'avoir poliment laissé le soin de terminer mes photos, il se rapprocha et relata qu'il avait vu un exemplaire similaire, de grande taille, non loin de là. Ces Chinois rencontrés ne savaient peut-être pas toujours différencier serpents venimeux et non venimeux, mais l'existence de ces deux catégories allait de soi pour eux. Ce n'est pas du tout le cas dans les campagnes marocaines où souvent j'ai entendu dire que "tous les serpents sont venimeux"... "Tous", sans exception! Et combien de fois n'ai-je pas entendu au Maroc que les serpents non venimeux que je manipulais avaient auparavant craché leur venin... 

 

Un autre paradigme culturel

J'avais le sentiment, en observant ces comportements si distinctement opposés à ceux qu'habituellement je connaissais que ces Chinois témoignaient là d'une évolution culturelle générale qui les avait préservés de l'irrationalité manifeste encore si répandue chez de nombreux membres des sociétés monothéistes [1]. Ces derniers sont encore fréquemment tentés inconsciemment de diaboliser les reptiles. Au premier rang desquels le serpent détrôné par la bible de son statut historique précédent de divinité parmi d'autres que les prosélytes monothéistes avaient décidé d'accabler de tous les maux pour ne laisser qu'un seul dieu omniscient et exclusif, source jalouse de toute chose...

 

L' inconscient culturel dominant en Chine n'est pas imprégné du même imaginaire. Le serpent -symbole phallique par excellence- ne porte t-il pas dans notre aire culturelle une responsabilité dans la déchéance de l'Homme ? Les Chinois n'ont pas d'ancêtres fautifs qui ont été chassés du Paradis. Les petits shorts très courts, laissant parfois deviner une naissance érotique des fesses, portés comme allant de soi par de nombreuses jeunes femmes chinoises ne sont, je pense, pas un hasard. L'absence majeure de harcèlement par les hommes s'inscrit à mon sens dans le même paradigme...

 

Dépasser l'anthropocentrisme destructeur

 Mais si les deux principaux monothéismes qui semblent souvent l'expression exacerbée de l'anthropocentrisme sont largement absents, il n'en reste pas moins que des pratiques encore non respectueuses de la faune et clairement anthropocentriques sont légion en Chine. Bien des animaux sauvages en sont victimes. Les serpents sont élevés pour être mis dans de l'alcool aux prétendues vertus médicinales. D'autres sont capturés dans le même but. Élever ne peut être un palliatif absolu aux captures. Et aucune loi interdisant la capture de serpents sauvages ne résoudra le problème de fonds. Dépasser ces pratiques est là-bas, comme partout dans le monde, un impératif incontournable. Il l'est tant du point de vue éthique -les espèces animales n'étant pas réductibles à des choses simplement animées- que de celui bien compris des intérêts durables de cette autre espèce animale qu'est Homo sapiens sapiens. Claude Lévi-Strauss n'écrivait-il pas avec raison: « N'est-ce pas le mythe de la dignité exclusive de la nature humaine qui a fait essuyer à la nature elle-même une première mutilation, dont devaient inévitablement s'ensuivre d'autres mutilations?».

 

Et cette approche levi-straussienne que je partage de par l'éthique et mes convictions acquises en tant qu'Athée farouche déconstruisant les fondements « moraux » des civilisations basées sur l'oppression des animaux non-humains et humains - une oppression engendrant l'autre -, je ne serais pas surpris qu'une analyse approfondie révèle que sa source est à rechercher pour partie dans le premier monothéisme de l'histoire à travers l'imprégnation familiale et culturelle profonde de l'ethnologue...

 

J'ai des raisons de penser que la Chine, issue d'une autre histoire, est potentiellement ouverte à cet impératif moral et écologique qui renverra un jour les pratiques  pré-écologiques de l'anthropocentrisme au musée international des barbaries.

 

Michel AYMERICH

 

Notes:

 

[1] Lire mon article: Réaction face à une Coronelle girondine massacrée...

 

[2] Voir également la vidéo "Séance photos avec des serpents de Chine"

Voir les onglets: Photos de Chine; Expéditions; Amphibiens et reptiles de Chine

  • Photos de Chine: Voir
  • Expéditions: Voir!
  • Amphibiens et reptiles de Chine: Voir!

"Séances photos de serpents de Chine avec Michel Aymerich". Images tournées par Chen Xinghe

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jeu.

26

déc.

2013

"Mon" Serpent-lime de Crosse

Serpent-lime de Crosse (Mehelya crossi) © Michel Aymerich.
Serpent-lime de Crosse (Mehelya crossi) © Michel Aymerich.

Diaporama sur la capture du Serpent-lime de Crosse

Le serpent-lime de Crosse

J'étais dans ma case et me préparais à aller me coucher sur mon lit de camp quand j'entendis la voix de mon ami Wang Wei. Il me criait: «Mamba noir! Mamba noir!» Je me rhabillai en toute vitesse, ouvris la porte de ma case, sortis et le suivis à la «base des Chinois» qui se trouvait toute proche. Base de la société CRCC (China Railway Construction Corporation) qui travaille là-bas à préparer le terrain pour la future construction d'une ligne de chemin de fer...

J'avais pensé à prendre avec moi mes lunettes de protection. Peut-être était-ce un cobra cracheur (Naja nigricollis). Un serpent de couleur noire, dont je savais que quelques-uns rodaient dans les parages. Un exemplaire tué m'avait été ramené peu de temps auparavant. Dans tous les cas, ce n'était probablement pas un mamba, Wang Wei voyant des mambas dans chaque serpent vu. Le serpent est vert, c'est un mamba vert. Il est noir, c'est un mamba noir. Il ne savait pas que les mambas sont rares et discrets, et qu'en Guinée nombreuses sont les espèces ophidiennes, qui plus est majoritairement inoffensives. J'amenai avec moi également un sac et une lampe. C'était suffisant. L'improvisation et mes mains feraient le reste...

Quand j'arrivai, des ouvriers guinéens m'indiquèrent où s'était caché le serpent. Il s'était mis entre de gros sacs de ciment entassés les uns sur les autres. Je vis quelque-chose comme 20 cm de son corps. C'était un serpent d'apparence gris-noir. En fait, il m'apparaissait plus noir qu'il n'était car c'était la nuit. En réalité, il s’avérera à la lumière du jour qu'il était de couleur gris foncé. J'écartai alors un sac et parvins à le saisir rapidement par la queue, avant qu'il ne puisse partir, puis parvins à lui immobiliser la tête après que plusieurs sacs furent dégagés.

J'ouvris sa gueule pour déterminer s'il s'agissait d'un serpent venimeux. Je ne constatais la présence d'aucun crochets. Toutes les manipulations que j'effectuais s'avérèrent étonnamment aisées. Le serpent ne montra pas une once d'agressivité. Concept inadéquat, j'en conviens. Car comment en toute logique parler de «l'agressivité» d'un animal que l'on capture et dont on pourrait s'attendre à ce qu'il se rebiffe en toute légitimité ? Cela reviendrait à accuser d'agressivité une femme qui se défendrait d'une tentative de viol. Je m'oppose à adopter, lorsqu'on parle d'un serpent quel qu'il soit, un point de vue similaire à celui d'un violeur...

J'avais toutefois attenté à sa liberté pour le sauver en l'éloignant et plus tard le relâcher quand l'occasion se présenterait. La société Rio-Tinto a heureusement interdit à ses partenaires contractuels de tuer les serpents. Ceci expliquant cela. Mais à le laisser là, vivre sa vie à chasser les souris à proximité des hommes, c'était risquer sérieusement de le laisser se faire tuer clandestinement...

Une fois rentré à la case, je déterminai à quelle espèce il appartenait. J'avais emporté en Guinée deux ouvrages sur les serpents, dont le Guide des Serpents d'Afrique Occidentale de Jean-François Trape & Youssouph Mané. C'était un Serpent-lime de Crosse (Mehelya crossi), espèce aglyphe absolument non venimeuse. L'adjectif «aglyphe» se rapporte aux serpents dépourvus de tout appareil venimeux. Le Serpent-lime porte bien son nom. Sa colonne vertébrale est parfaitement visible, à la manière d'une ligne de crête commençant au niveau de la nuque et se terminant au bout de la queue.

La couleuvre confirmera son comportement -elle ne tenta jamais de mordre!- le lendemain et les quelques jours qu'elle passa en détention salvatrice dans un sac jusqu'à ce que je puisse la libérer loin des hommes. Chaque fois que je la sortais, afin qu'elle puisse s'abreuver dans une coupole que je lui présentais, je pouvais, en effet, constater sa complète placidité. Le jour enfin venu de sa remise en liberté, transportée à une vingtaine de km parcourus en moto avec mon guide malinké Adama, je la relâchai. Elle disparut alors sous la végétation sans empressement, mais sachant ce qu'elle faisait. Comportement qui fut à l'opposé de celui du Boïga de Blanding, serpent arboricole qui c'était éloigné de branches en branches toujours plus hautes. Le Serpent-lime, lui, se comporta comme un serpent terrestre. Je ne peux que souhaiter à ce serpent de ne pas connaître le sort de nombreux de ses congénères[1]...

[1 Voir mon article: En Guinée, une faune menacée]

Michel AYMERICH 

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mer.

11

sept.

2013

Spectacles de Marrakech : l'enfer du décor !

Diaporama réalisé à partir de photos prises sur la Place Jemaa el Fna et dans le souk attenant de Marrakech...

Spectacles de Marrakech: l'enfer du décor...

Par Michel AYMERICH (sur la base d'un article plus ancien actualisé)

 

À Marrakech, la Place Jemaa-El-Fna doit une partie de sa renommée aux traditionnels charmeurs de serpents. L’imposture de leur talent ne serait que magie si elle n’induisait pas la maltraitance des cobras, des vipères heurtantes, des couleuvres de Montpellier et autres, aux fins de la perpétration d’un bien douteux spectacle moyenâgeux. La plupart de ces belles espèces sont soit menacées d’extinction en Afrique du Nord, soit sont en régression alarmante. Ceci contribue au consternant appauvrissement général des écosystèmes du Maroc.

 Les serpents sont sourds et n’entendent pas la musique. Les « charmeurs » ne charment donc que des badauds et des touristes maintenus dans l’ignorance des tenants et des aboutissants, notamment désinformés des mœurs réelles des ces remarquables espèces.

 

Les seuls à se dresser...

Les seuls qui se dressent face à la flûte sont les cobras. Les représentants de cette espèce adoptent instinctivement le comportement défensif de cette spectaculaire érection, toute coiffe déployée dès qu'ils se sentent menacés d'une présence hostile. C’est ce comportement qui depuis toujours fascina les hommes qui y voient là un trait de noblesse.

 Une fois prélevés dans la nature, ces animaux ont la plupart du temps leurs crochets venimeux arrachés, à moins qu'ils n'aient subi une ablation grossière de leurs glandes venimeuses. Dans les deux cas, ces pratiques occasionnent l’apparition d’abcès qui provoquent une mort lente et douloureuse. Il existe quelques rares exceptions qui confirment la règle, mais sur un point la règle ne connaît hélas aucune exception, indépendamment du fait que leurs crochets soient arrachés ou non. Ces serpents, privés d'eau et de nourriture, et fréquemment manipulés Place Djemaa El Fnaa (et ailleurs), contraints d'adopter systématiquement une position de défense absolument stressante, meurent TOUS et sans exception d’épuisement après quelques semaines, voire quelques mois. Deux ou trois tout au plus. Il n'y a qu'à observer le sort des couleuvres de Montpellier et autres... J'en sais, hélas, quelque chose, ayant observé le phénomène avec le parti pris d'une de ces trop rares personnes sensibles au sort des serpents.

 Je peux également témoigner que nombreux sont les malheureux cobras, vipères heurtantes et de Mauritanie, couleuvres de Montpellier et couleuvres fer à cheval qui, « attendant » d'être vendus, sont maintenus, parfois des mois durant, dans des boites infectes où beaucoup finissent par mourir de soif ou de faim avant même leur déportation.

 Ne pouvant plus se nourrir par eux-mêmes, les cobras peuvent être gavés de force. Ils ont ce triste privilège que n'ont pas les autres serpents, leur valeur marchande étant beaucoup plus élevée. Mais leur mort est programmée. Déjà affaiblis par leurs conditions de détention, stressés par de fréquentes manipulations ou par l’obligation qui leur est faite CHAQUE JOUR pendant de longues durées d’adopter une posture de défense, ils meurent après une courte vie moribonde, au service de la cupidité et d’une bêtise inhumaine.

 J'ai ainsi été amené à récupérer à plusieurs reprises des couleuvres et des vipères déshydratées, lesquelles ont bu des heures durant et ceci de manière répétée pendant plusieurs jours...!

 Un cobra qui m'avait été remis par une connaissance qui n'avait pas su le maintenir en bonne santé en captivité est mort d'épuisement dans mes mains... Il aura connu une longue agonie avant même d'être exposé dans un spectacle d'un autre temps.

 

Le revers d'une illusion...

 C'est la triste réalité, le revers d'une illusion à laquelle beaucoup s'accrochent pour maintenir coûte que coûte leur rêve d'être dans un pays des mille et une nuits.

 Pourquoi alors voit-on tellement (beaucoup trop) de touristes marocains et étrangers, notamment français, se repaître de ces spectacles lamentables ? Pourquoi ne les voit-on pas plus souvent s'insurger face à ces abominations, illustrées sur cette place et dans le souk attenant par de tels spectacles et exhibitions d’animaux ?

 Serpents, fouettes-queue, caméléons, tortues, écureuils, singes magots, babouins importés, rapaces diurnes et nocturnes, étroitement incarcérés, dénutris, assoiffés, dérangés, manipulés, abasourdis, blessés, sont ici illégalement et honteusement en étal. Pour combien de temps encore ?

 Tous condamnés, parfois déjà agonisants, morts-vivants ou massacrés ? Parmi ces derniers : des panthères, des servals, des loups d'Afrique, des zèbres, des autruches, des pythons de Seba, des crocodiles nains d'Afrique, des varans gris..., pourtant pour certains inscrit en Annexe I de la Convention de Washington ! Et bien que le Maroc ait signé et ratifié cette Convention ! La stupide complaisance des uns et des autres, dont des touristes, aura seule permis pendant ces longues années une telle hécatombe. Pendant combien de temps encore ?

 

Un relativisme culturel suspect...

 Curieux, comme ce qui semble être inadmissible en France et en Europe le devient au Maroc, au nom d’un relativisme culturel aussi suspect que dangereux. C'est vrai pour tout. Cela ne s'arrête pas aux espèces en dangers, aux écosystèmes saccagés ou anéantis, à la maltraitance des ânes et des chiens !Le Maroc ne doit pas devenir un pays de droit...

 C’est pourtant oublier que là où il y a des acquis, en France ou ailleurs, ceux-ci ont été obtenus après un long parcours de luttes des citoyens concernés, lesquels ont bénéficié de solidarités internationales... Tant il est et reste vrai que l’oppression qu’elle quelle soit, y compris à l’endroit de ceux qu’on appelle commodément « les animaux », comme à l’égard des femmes ou des hommes d’autres conditions sociales et/ou races, a été et reste, bien qu’inégalement, un mal partageant des racines communes que nous constatons partout sur cette planète.

 En ce troisième millénaire, à l’heure d’une extinction massive des espèces et d’une prise de conscience internationale pour le nécessaire respect dû à toutes formes de vie, notamment sauvages, il est grand temps de ne plus affirmer que toutes les traditions sont à respecter. Avec ses festivals, sa richesse historique et sa réputation de ville phare du tourisme marocain, la belle cité de Marrakech vaut bien mieux que ça !

 

Détournons-nous, boycottons...

 Badaux, touristes, svp, détournez-vous des spectacles indignes* qui maltraitent les animaux, ou mieux encore, dénoncez-les ! Détournez-vous de ces dompteurs de petits singes, attachés court et contraints, sous les coups, à exécuter de consternantes pirouettes. Détournez-vous aussi de ces sordides marchands du souk qui proposent des animaux morts ou vifs, pour la plupart espèces protégées.

 La loi marocaine interdit l'exploitation et le trafic d’espèces animales et végétales protégées.

 Place Jemaa-El-Fna, il y a un Commissariat de Police, n’hésitez pas à aller demander l'intervention des représentants de la loi qui ont pour obligation d'intervenir !

 Signez la pétition suivante :

http://www.avaaz.org/fr/petition/Halte_au_trafic_illegal_despeces_protegees/

 

* J'ai écrit un article où je fais des propositions qui pourraient constituer une base de réflexion pour la mise en place d'une alternative:

http://www.michel-aymerich.com/2013/07/03/proposition-d-alternative-aux-actuels-spectacles-moyen%C3%A2geux-pr%C3%A9sentant-%C3%A0-marrakech-des-serpents-des-singes-magots-et-d-autres-animaux/

Autre article (avec diaporama et vidéo) qui démontre que les cobras n'agressent jamais les hommes... : "Capture d'un cobra au Maroc et réflexions sur les cobras et les hommes!"

Nous partons à la recherche d'un cobra. Nous sommes au printemps 2008. Les serpents doivent chercher à s'accoupler et donc s'aventurer plus qu'à d'autres périodes de l'année hors de leurs terriers. je suis toutefois sceptique quant à nos chances de succès. La pression anthropique, notamment sous la forme de captures par les Aïssaoua, est dévastatrice ! Mais la chance est au rendez-vous... Lire!

Voir bande annonce du documentaire diffusé sur Ushuaïa-tv

DOCUMENTAIRE OU L'ON ME VOIT PRÉSENTER DIVERS SERPENTS: COBRA, COULEUVRE DE MONTPELLIER, SERPENT DES SABLES, ECHIDE A VENTRE BLANC, VIPÈRE A CORNES..., mais aussi où il est question du devenir du singe magot!

Films et vidéos...

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jeu.

29

août

2013

Communiqué d’Amouddou: lettre ouverte au ministre de la communication!

Cliquez sur le lien pour accéder à un exemple de documentaires d'Amouddou!
Lors du tournage du documentaire sur les serpents du sud marocain. Michel Aymerich filmé par le réalisateur...

« Amouddou », la meilleure émission de la télévision marocaine ne doit plus être reconduite ! Si cela se confirme, c'est plus que triste - c'est scandaleux- pour le Maroc en tant que pays et pour les Marocains en tant que spectateurs qui bénéficiaient là d'une émission d'une grande qualité. Selon les propres mots de beaucoup, mots maintes fois entendus, « Amouddou » était leur "émission préférée" à la télévision marocaine. J'ai été témoin de nombreuses fois lorsque présent aux côtés de Lahoucine Faouzi au passage du 4X4 puis du camion d'Amouddou des citoyens manifestaient spontanément leur sympathie pour l'équipe et son producteur. Ils scandaient alors : « Amouddou »,« Amouddou», « Amouddou »...

Non, cette émission de niveau international doit être reconduite. Il en va de l'écologie au Maroc. Rien de moins. Car qui saura mieux que cette équipe faire connaître la biodiversité de ce pays?

Lisez la Lettre ouverte de Lahoucine Faouzi. Manifestez votre soutien en cliquant « j'aime » et en postant vos commentaires... Faîtes connaître autour de vous cette lettre. Écrivez au gouvernement. Écrivez au roi. Signez la pétition !

 Michel Aymerich

« lettre ouverte au ministre de la communication »

 (Traduction par Mr Oussama Abaouss (Ecologie.ma) de la lettre ouverte de Lahoucine Faouzi (original en arabe, ici!), producteur d’Amouddou, à l’intention de Monsieur le ministre de la communication)

«Agadir le 13 août 2013

 

Au nom de Dieu clément et miséricordieux

 

A Monsieur le ministre de la communication

 Lettre informative à propos des perspectives d’avenir du documentaire

«Amouddou» dans le cadre du nouvel appel d’offre.

 Notre rêve a commencé tout petit, un jour de l’an 2001 au Maroc. Il fut appelé « Amouddou » ce qui veut dire « voyage » en langue Amazigh. Nous y avons mis beaucoup d’espoirs. Tout d’abord l’espoir de faire connaître les régions Marocaines inconnues et difficiles d’accès, pour ce faire nous sommes allés jusqu’à sonder les abysses des plus profondes grottes du royaume, où nous avons pu faire un nombre important de découvertes, nous en citerons les trouvailles de mâchoires d’ours des cavernes, ainsi que celle de crane de léopard, qui se sont ajoutés aux collections du patrimoine antique Marocain.

 Nous sommes allés en exploration aux confins du désert, que nous avons sillonné dans tout les sens, jusqu’à connaître et nous faire connaître de tout grain de sable qui s’y trouve. Nous avons parfois risqués jusqu’à nos propres vies pour filmer dans des zones truffées de mines. Le résultat est que nous sommes parvenu à filmer des paysages et endroits que nos téléspectateurs n’auraient sans doute jamais pu découvrir sans nos efforts, nous citerons les tombeaux antiques de « Bouleriah » dans la région d’Aousserd, sans oublier bon nombres de gravures rupestres que nous étions les premiers à répertorier et à déclarer.

Suite à cela, notre rêve a vite grandit. Nous avons vu dans le Sahara une terre vierge prometteuse de découvertes en tout genres. Une terre qui n’a pas eu jusqu’à lors la part d’intérêt médiatique qu’elle méritait. Alors nous lui avons dédié pas moins de 30 épisodes de notre documentaire. Nous avons couvert tout ses aspects et composantes : sa faune, sa flore, son histoire…

 Dans une question posée au parlement Marocain à propos de la part médiatique dédiée au Sahara marocain, l’ancien ministre de la communication Mr Nabil Ben Abdelah avait répondu que le documentaire «Amouddou » avait consacré la majorité de ses épisodes à ce sujet. Sans l’existence de notre travail en référence, la réponse aurait certainement laissé à désirer.

D’une autre part, c’est grâce au premier épisode dédié à la région de « Tagmaout » dans la province de Tata que la Télévision Marocaine a pu obtenir son tout premier prix d’or lors du festival du Caire. Ce ne fut pas le derniers d’ailleurs, puisque depuis 2002 « Amouddou » n’a pas cessé de recevoir des prix qui pour la plupart atterrissaient dans les caisses de la RTM.

Depuis, une décennie est passée : 100 épisodes sur 10 ans, un record en soi qui est peut être passé inaperçu de tous, sauf peut être des chercheurs et des passionnés, qui ont trouvés dans notre documentaire une référence historique et géographique précieuse. Certains étudiants sont même allés jusqu’à faire de l’expérience « Amoudddou » un sujet de fin d’étude : un model de contribution médiatique dans la promotion et la valorisation du patrimoine.

 Notre rêve lui, n’a pas arrêté de grandir et de se dépasser. Nous sommes allés jusqu’à faire des épisodes à l’étranger : en Islande pendant la période du réveil volcanique.

 Nous avons le plus souvent travaillé dans des conditions très difficiles…et nous ne parlerons pas ici de tous les problèmes rencontrés liés aux difficultés d’accès aux sites, de conditions météo ou encore de conditions liées au facteur humain.

Aljazeera la chaîne Qatari avait de son coté prévu de travailler sur un projet de documentaire du même genre que « Amouddou » qu’elle avait voulu exclusif. C’est dans cette perspective que cette chaîne avait en 2004 fait des offres attractives dans un cadre qui aurait couvert le continent africain en entier, la condition était qu’Amouddou ne soit plus produit pour la RTM. Nous avions à l’époque refusé catégoriquement, préférant faire bénéficier notre pays du fruit de notre labeur.

 Notre espoir à toujours été lié à l’objectif de contribuer à faire évoluer la scène médiatique nationale et de travailler à la mettre à pied d’égalité avec les nations les plus évoluées en matière du film documentaire.

 Depuis l’apparition du nouveau cahier des charges, nous sommes dans une situation de forte préoccupation et d’inquiétude. Dans la crainte de voir se perdre tout nos efforts et labeur car notre documentaire n’a plus sa place dans ce nouveau cahier des charges. Sous prétexte d’égalités des chances nous constatons qu’un documentaire, qui a atteint succès et reconnaissance dés son premier épisode, fort d’une expérience de plus de 13 ans se voit tout simplement écarté.

 Nous avons investis énormément dans l’acquisition de matériel sophistiqués adaptés à notre mission. Nous ne citerons que les exemples de caméras « Phantom », de dispositifs nocturnes à infra rouge, ou encore de caméras pour les prises de vue aérienne ou sous marines… des acquis qui risquent tout simplement de se retrouver à la vente aux enchères afin de couvrir les futurs impayés de nos crédits bancaires.

 La télévision dans ses nouveaux critères de sélections de projets privilégie les petits budgets à la qualité. Nous ne pourrons en aucune façon revoir à la baisse notre barre d’exigence et de qualité que nous nous somme fixés, car il nous est tout simplement impossible et inenvisageable de régresser pour nous conformer au niveau des projets à petit budgets.

 Nous sommes profondément désolés. L’histoire retiendra et consignera qu’un travail de qualité –en témoigne les téléspectateurs, et vous-mêmes – sera sacrifié et condamné pendant votre mandat.

 Signé : Lahoucine Faouzi »

 

PS: Cliquez sur ce lien pour accéder à un exemple de documentaire d'Amouddou...

Signez la pétition!

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sam.

17

août

2013

Réflexions sur le Cahier d'un retour au pays natal d'Aimé Césaire

Petit diaporama illustrant mon article. Cliquez sur une photo, puis sur la flèche en bas à droite...

par Michel AYMERICH

 

« Ma bouche sera la bouche des malheurs qui n'ont point de bouche, ma voix, la liberté de celles qui s'affaissent au cachot du désespoir. » (Aimé Césaire)

 

« ô lumière amicale

 ô fraîche source de la lumière

ceux qui n'ont inventé ni la poudre ni la boussole

 ceux qui n'ont jamais su dompter la vapeur ni l'électricité

 ceux qui n'ont exploré ni les mers ni le ciel

 mais ceux sans qui la terre ne serait pas la terre

 gibbosité d'autant plus bienfaisante que la terre déserte

 davantage la terre

 silo où se préserve et mûrit ce que la terre a de plus terre

 ma négritude n'est pas une pierre, sa surdité ruée contre la clameur du jour

 ma négritude n'est pas une taie d'eau morte sur l'œil mort de la terre

 ma négritude n'est ni une tour ni une cathédrale

 

« elle plonge dans la chair rouge du sol

 elle plonge dans la chair ardente du ciel

 elle troue l'accablement opaque de sa droite patience.

 

« Eia pour le Kaïlcédrat royal !

 Eia pour ceux qui n'ont jamais rien inventé

 pour ceux qui n'ont jamais rien exploré

 pour ceux qui n'ont jamais rien dompté

 

« mais ils s'abandonnent, saisis, à l'essence de toute chose

 ignorants des surfaces mais saisis par le mouvement de toute chose

 insoucieux de dompter, mais jouant le jeu du monde

 véritablement les fils aînés du monde

 poreux à tous les souffles du monde

 aire fraternelle de tous les souffles du monde

 lit sans drain de toutes les eaux du monde

 étincelle du feu sacré du monde

 chair de la chair du monde palpitant du mouvement même du monde !

 Tiède petit matin de vertus ancestrales

 

« Sang ! Sang ! tout notre sang ému par le cœur mâle du soleil

 ceux qui savent la féminité de la lune au corps d'huile

 l'exaltation réconciliée de l'antilope et de l'étoile

 ceux dont la survie chemine en la germination de l'herbe !

 Eia parfait cercle du monde et close concordance !

 

 « Écoutez le monde blanc

 horriblement las de son effort immense

 ses articulations rebelles craquer sous les étoiles dures

 ses raideurs d'acier bleu transperçant la chair mystique

 écoute ses victoires proditoires trompeter ses défaites

 écoute aux alibis grandioses son piètre trébuchement

 Pitié pour nos vainqueurs omniscients et naïfs ! »

 (Aimé Césaire, Cahier d'un retour au pays natal, 1939 (extrait)

©Présence Africaine)

 

Ce poème, extrait de Cahier d'un retour au pays natal, a été écrit en 1939, alors même qu'il ne faisait pas bon d'être Noir (« nègre »), que les Noirs de tous les pays étaient largement considérés comme intellectuellement inférieurs, situés quelque part entre « l'homme moderne » (Blanc, il s'entend) et ses ancêtres « archaïques » (Néandertaliens ou Australopithèques, voire Anthropoïdes... !).

Le Cahier d'un retour au pays natal se veut une défense non seulement des Noirs d'Afrique bâtisseurs d'empires (il rappelle l'existence des amazones du roi du Dahomey, des princes de Ghana avec huit cents chameaux, des docteurs à Tomboucthou, d'Askia le Grand, des architectes de Djenné, des Madhis et guerriers ), mais aussi, chose rare alors, comme on peut le lire dans cet extrait, des peuples de Chasseurs-cueilleurs...

 Il fut en ce sens largement en avance sur son temps en ce qu'il annonce (ce qui à son époque était encore loin d'être un constat) la crise de la domination de la Nature et par conséquent la crise de la domination sur l'Homme lui-même qui il faut le rappeler encore et encore, le souligner, le marteler, est une partie intégrante de celle-ci. L'Homme est un animal appartenant à la classe des mammifères, plus précisément un primate et l'un des cinq membres actuels de la famille des Hominidés...

 

"Ils me font penser aux hommes de Cro-Magnon..."

Une fois, je regardais un documentaire sur les Papous de Guinée en présence d'un Burkinabé. Et celui-ci eut la remarque suivante : «Ils me font penser aux hommes de Cro-Magnon...» Cela fut dit avec un ton condescendant. Les Pygmées ne font-ils pas l'objet de discriminations de la part de Noirs africains appartenant aux autres ethnies ? Les exemples ne sont pas rares. N'y a t-il pas également des Noirs antisémites? La Nation of Islam de Farrakhan [1] en est un exemple... Car, hélas, il faut le dire, trop nombreux sont aujourd'hui ceux des Noirs d'Afrique et d'ailleurs qui préfèrent se démarquer des peuples «multicolores» de chasseurs-cueilleurs encore existants afin de souligner assidûment le rôle «des Noirs» dans la création de royaumes et d'empires (le royaume du Dahomey et l'empire égyptien, par ex.), ne voyant pas que ce faisant, par la manière dont ils le font, ils intériorisent la culture mortifère de la domination sur la Nature et sur les peuples restés «naturels» («Ceux-qui-laissent», comme les dénomment pertinemment Daniel Quinn dans son roman «Ishmaël»). Celle-là même qui a été utilisée pour justifier le développement massif d'un esclavage déjà pratiqué par les fondateurs ou/et les acteurs de tous ou du moins d'un nombre significatif de ces empires.

 

Prendre la place des Blancs

 Ils se font ainsi la courroie de transmission zélée des différents impérialismes et types d'impérialismes [2], et souvent les zélateurs de l'anéantissement de la Nature. Ils ont remplacé les anciens colons dans l'entreprise de parachèvement de la liquidation des derniers éléments culturels hérités des Chasseurs-cueilleurs comme des dernières cultures de Chasseurs-cueilleurs elles-mêmes. Et ce qui va de pair avec, ils poursuivent la destruction des écosystèmes et des espèces végétales et animales non-humaines. Participant ainsi à la sixième grande extinction d'espèces, la plus rapide ayant jamais existé et la première provoquée par les représentants d'une seule espèce...

 A sa façon, sans avoir saisi le fonds réel des origines de l'esclavage, de la colonisation et du racisme qui plonge ses racines dans l'exploitation des animaux non-humains par l'animal humain, Césaire dénonçait par la voix du roi Christophe cette propension à seulement occuper la place, sans entreprendre de modifier fondamentalement le rapport d'oppression et d'exploitation existant.

 « Ah, il est tant de mettre à la raison ces nègres qui croient que la révolution ça consiste à prendre la place des blancs et continuer en lieu et place, je veux dire sur le dos des nègres à faire le blanc. » (CÉSAIRE Aimé, Acte II Scène 3, La tragédie du roi Christophe, p. 84, Paris, Présence Africaine, 1997.)

 La vraie division de l'humanité, celle qui permet de conceptualiser, d'expliquer, de trouver la solution aux maux qui l'assaillent, n'a pas été et n'est pas fondamentalement la division raciale qui oppose artificiellement Noirs et Blancs. Elle est bien plus celle qui oppose les participants conscients ou inconscients aux deux histoires fondamentales illustrées par le schéma présenté dans le diaporama ci-dessus : l'histoire de « Ceux-qui-prennent », commencée il y a 10.000 ans, opposée à celle de « Ceux-qui-laissent » qui plonge ses racines dans la nuit des temps... (Voir mon article: http://www.michel-aymerich.com/2013/07/03/l-humanit%C3%A9-ce-sont-%C3%A9galement-les-peuples-de-chasseurs-cueilleurs/)

 

La poignée de secours...

 Il s'agit maintenant pour nous et tous ceux qui renient consciemment le parcours fatal commencé avec la révolution néolithique (début de l'imposition progressive de l'agriculture totalitaire) d'inventer une sortie collective vers la survie commune de notre espèce et des autres espèces qui nous sont liées par la force des choses.

 Pour ce faire, il faut nous appuyer sur les conquêtes démocratiques universelles et les acquis scientifiques. Mais aussi, il nous faut, comme l'un des moments nécessaires de la sortie de la barbarie contemporaine, revaloriser les cultures et les éléments culturels encore existants ici et là en Afrique, en Océanie, en Australie, en Asie, en Amérique hérités du passé et du présent des chasseurs-cueilleurs. 

L'un des aspects de ces cultures est qu'elles respectent la pluralité du vivant, n'en criminalisant pas une partie sous le prétexte fallacieux et écologiquement infondé qu'elle serait « nuisible » ! Ce faisant, elles ne s'octroient pas le droit usurpé de procréer dans le but de rester concurrentielles...

Le but est de nous orienter vers une alternative à même de nous réconcilier en tant qu'espèce avec les autres membres de la communauté du vivant. Cioran avait écrit que « L'homme est un animal qui a trahi, l'Histoire est sa sanction ».

 Nous devons nous réorienter vers une sortie hors du cours désastreux de l'histoire anthropocentrique et vers un état de l'Histoire qui sera une négation de la négation. Dialectique qui toutefois ne garantira pas que le résultat sera en tous points « supérieur » au point de départ, mais assurera par contre notre survie et, peut-être, nous permettra de restaurer de nombreux écosystèmes et d'assurer un nouveau départ aux espèces existantes...

 « Marx dit que les révolutions sont les locomotives de l'histoire universelle. Mais peut-être en est-il tout autrement. Peut-être que les révolutions sont la poignée de secours sur laquelle tire le genre humain afin de stopper le train qui l'emporte. » (traduit de Walter Benjamin, « Notes sur le concept d'histoire » [Notizen zu: Über den Begrif der Geschichte] par moi-même)

 

Notes:

 [1] Rappelons, par ailleurs, que Betty Shabazz, l'épouse de Malcolm X, a publiquement accusé Farrakhan d'un rôle dans le meurtre de son époux...

[2] Il n'y a pas seulement le type d'impérialisme des pays capitalistes développés (« l'Occident ») exportateurs de capitaux et s'efforçant par la combinaison de différentes formes d'interventions de maintenir et d'étendre leurs sphères d'influence, il y a aussi le type d'impérialisme caractérisé par l'importance de l'idéologie politico-religieuse (combinant parfois également l'exportation de capitaux) d'un des centres concurrents des islamismes d'obédience sunnite et chiite...

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mar.

06

août

2013

En Guinée, une faune menacée...

Petit diaporama précédant et illustrant mon article:

Cliquez sur une photo, puis sur la flèche en bas à droite pour laisser se dérouler les images...

Par Michel Aymerich

 

 Mai et Juin 2012. Mon premier voyage en Afrique subsaharienne l'a été en Guinée, dite Guinée-Conakry. Quatre pays portent ce nom dans le monde. Trois en Afrique de l'Ouest: la Guinée-Bissau, la Guinée-Conakry, la Guinée équatoriale et un en Océanie: la Nouvelle-Guinée, le pays des Papous...

J'ai surtout prospecté une partie de la Haute Guinée et quelque peu la Guinée forestière. Cette rencontre avec ce pays et ses deux régions fut bien différente de celles d'une quelconque région du Maroc, pays que je connais le mieux. Et ce à de nombreux égards...

 

Né en Afrique

Je suis né à Casablanca, sur le continent africain, mais enfant je ne réalisais pas encore être déjà en Afrique. L'absence d'une grande faune visible ou même d'une petite et moyenne faune abondante et diversifiée a retardé ma prise de conscience. Ce n'est, en effet, que plus tard, une fois devenu adulte et revenu à ma passion de jeunesse pour la faune africaine, que j'ai appris que le Maroc appartenait pleinement à l'Afrique. Un des derniers lions sauvages n'avait-il pas été abattu près de Taddert (versant nord de Tizi n'Tichka) en 1942 ? Le Guépard n'était-il pas encore une espèce relativement commune dans les années 50 et des traces de cette espèce n'ont-elles pas été repérées en 1994 dans le bas Drâa au sud-ouest d'Aouinet Torkoz ? Le Léopard, le Serval, le Caracal, le Ratel du Cap, la Hyène rayée, bien que très menacée et vivant sans doute ses dernières heures dans l'indifférence générale, ne sont-ils pas toujours des représentants de la faune marocaine? Le Crocodile d'Afrique de l'Ouest (Crocodylus suchus) n'a t-il pas existé jusque dans les années 50 ? Et un long etc dénombrant un cortège d'espèces présentes toutes à la fois au Maroc et en Afrique subsaharienne, parfois jusqu'en Afrique du Sud !

 

Guinée! Guinée!

Certes, mais cette fois j'avais atterri dans un pays d'Afrique noire, un pays où une faune sauvage originelle ne manquerait pas d'être au rendez-vous...

 Guinée! Guinée ! Enfin me voilà en Afrique noire, dans cette Afrique des grands félins, des hyènes, des hippopotames, des éléphants, des antilopes, des vautours, des crocodiles, des mambas, de la Vipère rhinocéros, du Python royal et de ce géant qu'est le Python de Sebae! Cette Afrique aussi des cases, des boubous colorés, des rires, des hommes, mais aussi des femmes sans complexes inculqués et intériorisés. Là-bas, les Guinéens n'ont pas honte de leurs corps. Afrique mythique et pourtant bien réelle des fantasmes de mon enfance.

Ce fut l'occasion de rencontrer des représentants d'une faune subsaharienne, une faune des savanes arborées et parfois de forêts denses résiduelles... Mais, hélas cette faune est en danger. Des espèces ont d'ors et déjà disparu, d'autres sont en voie imminente de disparaître, nombre d'entre-elles sont menacées à terme. La déforestation pratiquée par les uns et les autres est l'une des causes. Une autre raison en est la chasse massive. Partout, tous les jours, déambulent des chasseurs armés d'un fusil. Jours et nuits!!! Des bandes d'enfants armés de frondes sillonnent les alentours des villages qui quadrillent la brousse. La pression démographique sur la faune est insoutenable. Pourtant les villageois doivent manger et leurs enfants avec eux...

Béchir Ben Yahmed, fondateur de Jeune Afrique, écrit ceci : « Selon les Nations unies, la population africaine pourrait quadrupler au cours de ce siècle, passant de 856 millions d'habitants en 2010 à 3,3 milliards en 2100. C'est là une croissance trop rapide. Ce serait dévastateur pour ce continent qui sera alors le plus peuplé. Les famines vont se multiplier, la biodiversité sera anéantie et les mouvements de population vont devenir ingérables. Maîtriser les taux de fécondité, résoudre le problème du planning familial et celui du droit à l'avortement devient impératif. » (Voir: http://www.michel-aymerich.com/2013/06/26/il-faut-briser-conceptuellement-et-moralement-la-dictature-du-tabou-concernant-notre-droit-usurp%C3%A9-%C3%A0-procr%C3%A9er-sans-fin-et-de-mani%C3%A8re-purement-criminelle/)

La faune sauvage, jadis très riche en Guinée appelée à juste titre le château d'eau de l'Afrique de l'Ouest, va tout droit vers la catastrophe. Seules, ou presque, oh paradoxe ! des sociétés minières (surtout Rio Tinto) tirent la sonnette d'alarme. Elles installent des affiches appelant à ne pas manger les singes, à ne pas les maintenir captifs pour le plaisir parfaitement égoïste des villageois... Rio Tinto a du poids, elle embauche et finance des constructions d'infrastructures, dont il faut l'admettre le pays a grand besoin.

Nos si proches cousins, les chimpanzés, y sont en régression. Victimes du trafic d'espèces, mais aussi de cette pratique dans le fonds anthropophage [1] qui consiste à les manger. Une pratique, certes pas généralisée et en recul, mais néanmoins persistante.

Y a t-il encore des hyènes? Elles semblent devenues rarissimes. Combien reste t-il d’hippopotames survivants? Quel est le nombre de crocodiles restant? Quel est l'avenir du Python de Seba et celui du Python royal?

De nombreuses questions qui soulignent par le seul fait d'êtres posées que le problème est grand et qu'il y a urgence !

 

Il est temps de ne plus oublier la Guinée dans nos préoccupations écologiques

Le temps est venu de trouver des solutions alternatives à la pratique systématique de l'agriculture sur brûlis (une agriculture extensive itinérante qui conduit notamment à une dégradation durable des sols), comme à celle de la chasse généralisée et de la consommation de viande de brousse. En Guinée, beaucoup d'animaux sauvages sont tués, le plus souvent pour être mangés. Ainsi, ai-je pu voir une fois une Vipère rhinocéros (Bitis rhinoceros) et une seconde fois une Vipère heurtante (Bitis arietans), chacune décapitée, lesquelles étaient destinées à être consommées. Il en va de même des pythons de Seba (Python sebae) et royal (Python regius), des varans du Nil (Varanus niloticus) et même du crocodile nain (Osteoleamus tetraspis), sans parler, évidemment, des ongulés et de nombreux oiseaux...

Le développement d'un authentique éco-tourisme, actuellement tout juste balbutiant, vraiment tourné vers la flore et la faune, et les écosystèmes, serait un des instruments financiers permettant, de par la création d'emplois directs et indirects induits par l'expansion de l'écotourisme, de sensibiliser au respect de la biodiversité les populations de Guinée qui verraient là enfin un héritage à protéger, plutôt qu'une manne réputée à tort gratuite et inépuisable. D'ailleurs les chasseurs, de leur propre avis, se rendent bien compte de la dégradation généralisée de l'état de la faune. Le pays est donc mur pour un tournant en la matière...

Il faudrait également, et ce impérativement, informer la population guinéenne sur ce fait que la grande majorité des serpents de Guinée sont inoffensifs. Expliquer également que les serpents venimeux que sont les cobras, mambas et vipères n'agressent pas ; que les geckos sont parfaitement inoffensifs, même s'ils - cas de figure extrêmement improbable - tombent dans la nourriture... Et un grand etc!

Ce devoir d'information et de sensibilisation devrait être essentiellement de la responsabilité d'un super ministère de l'environnement digne de ce nom, doté de moyens financiers importants, à la hauteur de sa vaste tache, éducative, certes, mais aussi tournée concrètement tant vers la création et la gestion (ou cogestion...) de vastes réserves, parcs nationaux et autres structures, que vers la mise en place de mécanismes juridiques et économiques à même d'assurer sa mission. Parmi les moyens éducatifs, je pense à la création d’info-kiosques dotés de posters explicatifs, essentiellement axés sur la sensibilisation au respect de l'ensemble de la faune, sans, il va de soi, exclure les serpents et autres mal-aimés! Des brochures à des prix abordables par une grande partie de la population pourraient y être vendues et des exposés organisés...

En Guinée, beaucoup est à faire. Il faut commencer à ne pas oublier le château d'eau de l'Afrique de l'Ouest.

 

Note : [1] L'Homme, le Bonobo et le Chimpanzé sont plus proches entre eux qu'ils ne le sont avec les autres primates, comme le Gorille dont la divergence remonte à environ 8 millions d'années. Ainsi des membres de l'académie des sciences des États-Unis proposent de classer chimpanzés et bonobos dans le genre Homo (cf. Wildman et al., 2003). Le Bonobo devrait devenir Homo (Pan) paniscus et le Chimpanzé Homo (Pan) troglodytes. « L’un de ces scientifiques, Morris Goodman, spécialiste de la paléontologie des primates au niveau moléculaire, considère en effet que « l’accumulation d’évidences concernant l’ADN fournit maintenant une vision objective non anthropocentrique de la place de l’homme dans l’évolution. Nous, humains, apparaissons seulement, ajoute-t-il, comme des chimpanzés légèrement remodelés ». » (LE MONDE | 26.06.03 )

 

VOIR ÉGALEMENT L'ARTICLE: Mon serpent-lime de Crosse

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sam.

27

juil.

2013

Mumia Abu-Jamal, le respect « animal » et l’écologie radicale

Mumia Abu-Jamal
Mumia Abu-Jamal

Je me suis beaucoup engagé à Berlin, puis à Montellier pour populariser le cas Mumia Abu-Jamal et contribuer à éviter qu'il puisse être exécuté. Maintenant, une nouvelle campagne internationale est déclenchée pour demander qu'après bientôt 32 ans de prison, il puisse enfin retrouver la liberté ! Cet article (plutôt un essai), un peu long, je le concède, est ma petite contribution pour faire connaître un aspect largement méconnu de son engagement : celui en faveur du respect de la vie dite animale (par opposition à la vie humaine, pourtant non moins animale)...

"Anansi", la mère araignée

Par Michel Aymerich

 

« Depuis une quinzaine d'années, l'ethnologue prend davantage conscience que les problèmes posés par les préjugés raciaux reflètent à l'échelle humaine un problème beaucoup plus vaste encore et dont la solution est encore plus urgente : celui des rapports entre l'homme et les autres espèces vivantes ; et il ne servirait à rien de prétendre le résoudre sur le premier plan si on ne s'attaquait pas aussi à lui sur l'autre, tant il est vrai que le respect que nous souhaitons obtenir de l'homme envers ses pareils n'est qu'un cas particulier du respect qu'il devrait ressentir pour toutes les formes de vie. » Claude Levi-Strauss

La rencontre de Mumia Abu-Jamal avec MOVE est plus qu’une rencontre avec une organisation politique classique. Elle est d'abord une rencontre avec une forme de l’écologie radicale et de refus d’un mode de production et de consommation qui sont le dernier avatar historique d’un héritage culturel plurimillénaire en guerre contre la nature et légitimant pour ce faire la destruction d'un nombre croissant d'espèces animales sauvages (les spécialistes disent que la nature est confrontée à la sixième grande extinction d'espèces…), comme l'élimination ininterrompue depuis la révolution néolithique des peuples de chasseurs-cueilleurs (voir mon article : http://www.michel-aymerich.com/2013/07/03/l-humanit%C3%A9-ce-sont-%C3%A9galement-les-peuples-de-chasseurs-cueilleurs/).

"Il n'existe pas un témoignage de culture qui n'en soit pas un, en même temps de barbarie" écrivait le philosophe allemand Walter Benjamin [1]. Une culture que Théodore Monod, dont sans doute ni John Africa - fondateur de MOVE - ni Mumia Abu-Jamal, n’ont lu une ligne, décrivait avec des mots dont il me semble qu’ils ne seraient pas désavoués par eux : "[…] Les trois grands monothéismes […] se sont enfermés dans la conception triomphaliste d’un homme préposé à la domination du monde, ayant spécifiquement reçu du Créateur un droit de vie ou de mort sur toute autre créature […] Les conséquences du postulat seront incalculables dans le domaine de la pensée mais aussi dans celui de l’éthique […].

"Mais il faut remonter aux sources et ouvrir le livre de la Genèse. Dès le premier chapitre l’homme est appelé à dominer les animaux, à assujettir la terre mais après le Déluge, à la sortie de l’arche, les droits régaliens de l’homme sont exprimés plus brutalement encore : "Soyez la terreur des êtres vivants, de tout animal de la terre, de tout oiseau du ciel, de tout ce qui se meut sur la terre et de tous les poissons de la mer : ils sont livrés entre vos mains …" On sait assez avec quelle obéissance ce commandement a été observé, au point que l’on compte aujourd’hui par centaines les espèces vivantes exterminées [2], effacées à tout jamais de la terre par la sottise ou la rapacité de l’homme.

"Les conséquences de cette prétendue "royauté" de l’homme sont partout. […]

"D’un côté un propriétaire souverain, titulaire du jus uti et abutandi, de l’autre la propriété, animée ou inerte, mais identiquement soumise au bon plaisir du maître, taillable et corvéable à merci. L’homme d’un côté, la nature de l’autre, tous deux créés sans doute mais sans que l’homme ait le moindre sens de sa responsabilité morale, de l’interdépendance des êtres, de la profonde unité du monde vivant, de la sympathie qu’en son sein doivent manifester les éléments psychiquement les plus avancés. De cette orgueilleuse philosophie qui ne voit dans l’animal qu’un gibier et dans le cosmos tout entier qu’une "ressource", de ce triomphalisme élémentaire, les signes, hélas ! abondent. De belles maximes, au cours des siècles, excuseront tout, l’extermination des espèces, tous les massacres, toutes les chasses, même les plus sauvages, toutes les cruautés, y compris celles des divertissements sanglants, honte de prétendues "civilisations" qui ne sont trop souvent que barbaries mal camouflées [3]."

 

Rencontre avec MOVE

Dans son livre, "La mort en fleurs", Mumia Abu-Jamal répond à une question portant sur ses activités de journaliste et à sa rencontre avec MOVE. Ce faisant, ses mots sont élogieux et l'éloge prend la forme d'une profession de foi:

"J’ai découvert que ces hommes et ces femmes avaient un idéal, étaient engagés, forts, inébranlables, et avaient une profonde aversion, fondée sur une haute spiritualité, pour tout ce que ce système représente. Pour eux, ce système était un système mortifère lancé dans une guerre mortelle. Pour eux, tout ce qui émanait de ce système était empoisonné – depuis les déchets de la technologie jusqu’à la destruction de l’air et de l’eau, jusqu’à la destruction de toute vie humaine et animale, de toute vie. MOVE s’est opposé à tout cela violemment et sans relâche [4]".

Ces mots illustrent tout à la fois le refus de Mumia Abu Jamal du rapport de destruction que le mode de production basé sur la recherche du plus grand profit entretient envers toutes les formes de vie qui n'ont pas de valeur marchande immédiate et son refus de la culture de domination et de conquêtes tous azimuts dont ce système multiforme a hérité de son passé de barbarie plurimillénaire qu’il tend, telle une machine folle, à pousser à son paroxysme quand il n'est pas bridé par des parties importantes des peuples qui s'appuient sur de précieux acquis démocratiques pour en limiter ses effets...

Ainsi dans ce même livre, on peut lire un article significatif d'une approche basée sur le respect fondamental d'espèces qui sont communément craintes, bannies, voire fréquemment exterminées, tant, comme le dit François Terrasson, « [n]ous sommes éduqués à la maîtrise. Tout ce qui n'obéit pas nous fait peur [5] ». Un article que n'aurait pas désavoué Lanza del Vasto qui écrivait : « Tu traiteras avec les mêmes courtoisies serpents, scorpions, tarentules et toutes espèces de bêtes nuisibles. Nuisible, tu l'es toi-même plus que la bête: est-ce toi-même que tu voudrais punir en elle? Laisse-la partir, et tes malices avec elle [6]. »

 

Conversation avec un condamné à mort

Dans cet article, Mumia Abu-Jamal relate une conversation avec Norman, un condamné à mort (je rappelle qu'à l'époque de cette conversation, Moumia était encore enfermé dans le couloir de la mort [7]). Norman exprime un émerveillement des plus authentiquement humains devant un arachnide, plus précisément une araignée. Car cet arachnide est le seul être vivant tissant un lien entre le condamné et la Nature, c’est-à-dire la vie dans toute la magnifique diversité de ses manifestations. La Nature résiste en introduisant subrepticement – si ce n’est en « introduisant illégalement » – une touche de vie libre et sauvage dans sa cellule, « dans le silence aseptisé d’un bloc d’une prison de sécurité maximum »décrit-il [8].

Il poursuit : « Avec une inconsciente et silencieuse bravoure qui défiait les efforts les plus sévères de l’Etat pour l’isoler, des araignées étaient venues et avaient construit leurs toiles dans le coin sombre sous le lavabo. A présent, elles partageaient sa cellule, et il restait des heures à les observer tisser leurs miraculeuses toiles soyeuses. […]

« Il les observait dans un émerveillement profond et respectueux, et sa cellule était devenue un lieu d’étude. […] J’étais rarement trop occupé pour ne pas l’écouter pendant quinze ou vingt minutes et il n’a pas fallu longtemps pour que je partage, moi aussi, sa fascination et son enthousiasme. Et, quelque temps plus tard, voilà qu’une toile d’araignée apparut dans mon coin de lavabo [9]. »

 

Un minuscule et merveilleux reflet de la vie

Mumia raconte ensuite l’histoire de « la mère araignée–Anansi », laquelle « occupe le premier plan  [...] dans l’ancien folklore africain et antillais. » Dans cette histoire, Anansi qui avait été sauvée par une antilope sauvera à son tour le bébé de l’antilope en reconnaissance du service rendu. Mumia conclut : « Pour Norman, qui était la cible d’une chasse non moins mortelle que celle d’une antilope dans la jungle, Anansi était une compagne vitale. Dans une cellule construite pour isoler un homme au maximum – un endroit pour détruire son âme – Anansi était une source d’amitié et d’émerveillement. Dans une tombe en béton construite pour étouffer un homme jusqu’à ce qu’il meure, elle était un minuscule et merveilleux reflet de la vie. Elle illuminait le jour d’un homme et lui donnait une signification. Le triomphe de la nature sur ce qui est dé-naturé [10] »

Cet émerveillement pour une « simple » araignée n’est pas feint. Il n’est pas le produit de la recherche d’un effet littéraire. Il traduit bien plus que la recherche d’une métaphore pour souligner le caractère particulièrement inhumain de l’univers du couloir de la mort avec son caractère artificiel, aseptisé, conçu avec cette vaine, mais terriblement barbare et sadique intention d’anéantir l’espoir, avant de supprimer les vies, auquel Mumia à ce moment là et ses compagnons de supplice sont confrontés.

Dans cet article, la Nature réussit encore à travers ce petit être à huit pattes d’apparence fragile à faire acte de résistance face à ce monde stérilisé, aseptisé, dénaturé et par voie de conséquence déshumanisé qu’est le « Death Row » (couloir de la mort). Mais cet enfer réel est lui-même la prolongation d’une organisation de la société basée sur une culture qui contient une tendance forte à la destruction et à l’anéantissement de toute résistance à sa « logique » dominante de la recherche du plus grand profit qui puisse être obtenu à court terme et produisant et reproduisant tendanciellement cette destruction et cet anéantissement en cercles toujours plus larges, jusqu'à englober toute la planète. Une culture originellement dirigée contre la Nature et les hommes restés intimement liés à la nature, mais aussi de plus en plus contre les hommes de nos cultures qui ne peuvent pas être indéfiniment aussi bien séparés entre « corps et âme » qu'entre Nature et « monde animal » d’un côté et Homme de l’autre. Comme si l'Homme n'était pas un animal aussi, plus précisément un primate membre de la famille des Hominidés, caractéristique qu'il partage en commun avec les Bonobos, les Chimpanzés, les Gorilles et les Orangs-outans...

 

L'animalisation des animaux encourage nécessairement l'animalisation d'une partie de l'humanité

Car après avoir transformé toute la Nature en « propriété animale ou inerte, mais identiquement soumise au bon plaisir du maître, taillable et corvéable à merci » [11] dans le cours d’une construction idéologique au but fonctionnel qui a « animalisé » les animaux en les affublant d'une essence unique et infâme, et leur a opposé « l’Homme » doté d'une essence vouée pour ses « meilleurs » représentants à aller rejoindre le « paradis », et même l'homme au sens non plus seulement de l'espèce, mais de l'appartenance sexuelle, « créé à l’image de dieu », cette culture devait logiquement animaliser nombre d’hommes et de femmes.  Notamment dits de « couleur » (et même dans une certaine mesure la femme blanche elle-même…), réduits eux aussi à servir les « vrais hommes ». Les deux grands monothéismes que sont le christianisme et l'islam ont été les protagonistes principaux de cette idéologie hiérarchisant les hommes entre eux par rapport à l'animalité...

« Les contes des Mille et Une Nuits, écrits au temps du calife Haroun al-Rachid (et de Charlemagne), témoignent des mauvais traitements infligés aux esclaves noirs et du mépris à leur égard (bien qu'ils fussent musulmans comme leurs maîtres).

Ce mépris a perduré au fil des siècles. Ainsi peut-on lire sous la plume de l'historien arabe Ibn Khaldoun (1332-1406) : «Il est vrai que la plupart des nègres s'habituent facilement à la servitude ; mais cette disposition résulte, ainsi que nous l'avons dit ailleurs, d'une infériorité d'organisation qui les rapproche des animaux brutes. D'autres hommes ont pu consentir à entrer dans un état de servitude, mais cela a été avec l'espoir d'atteindre aux honneurs, aux richesses et à la puissance» (Les Prolégomènes, IV). Ces propos précèdent de deux siècles la traite atlantique des Occidentaux » précise l'auteur [|12].

 Il n’est alors pas étonnant que dans ce contexte historique, précédant la remise en cause scientifique du racisme, remise en cause tardive et fragilisée par des attaques incessantes, succédant à Auschwitz et à la ségrégation raciale, le Chief Justice (juge) de la cour suprême nord-américaine, Roger Brooks Taney, ait pu à l'époque dans son argumentaire utilisé pour justifier le célèbre arrêt Dred Scott (1857) affirmer : « Depuis plus d’un siècle, ces personnes sont tenues pour des êtres de nature inférieure, impropres à toute forme d’association avec la race blanche, qu’elle soit de caractère social ou politique, et d’une infériorité si extrême qu’ils ne possèdent aucun droit que l’homme blanc soit tenu de respecter, ce dernier ayant au contraire le droit légal et légitime de réduire le Noir en esclavage pour son propre bénéfice [13] »

Ce n’est pas un hasard non plus, dans le contexte de cet héritage culturel, si tel que le rapporte Mumia Abu-Jamal, les journalistes décrivaient « MOVE comme s’il s’agissait d’animaux ou d’une espèce inférieure. Je me souviens d’un éditorial qui parut dans le Philadelphia Inquirer qui, je pense, utilisait précisément ces termes […] [14] ». Ceci afin de pouvoir justifier de les tenir dans le plus grand mépris, un mépris qui connut son aboutissement logique dans le bombardement par la police à l'aide d'une bombe incendiaire au phosphore de la maison de cette communauté, laquelle bombe provoqua 11 morts dont 5 enfants. Il faut voir les images... [15]

On commence par séparer l'homme (pas la femme), puis l'Homme en tant qu'essence de provenance divine du « monde animal », en introduisant une idée de hiérarchie qu'elle soit celle de la proximité avec Dieu - proximité que ne partagent pas incroyants, animistes, etc. - ou qu'elle soit, ce qui en est une variation historiquement récente, l'aboutissement de l'évolution ayant conduit « logiquement » et téléologiquement à l'Homme. Plus exactement à l'homme blanc européen ou nord-américain, pour les Chrétiens et l'homme arabe ou perse ou turc pour les Musulmans. Cet homme, n'est-il pas le détenteur du pouvoir de vie ou de mort sur les « êtres inférieurs » qui peuvent être impunément ou même doivent être « sacrifiés »? Par voie de conséquence, des hommes sont plus hommes que d'autres et on finit par séparer de la communauté humaine des hommes préalablement animalisés.

 « C'est maintenant, écrivait Lévi-Strauss [...] qu'exposant les tares d'un humanisme décidément incapable de fonder chez l'homme l'exercice de la vertu, la pensée de Rousseau peut nous aider à rejeter l'illusion dont nous sommes, hélas ! en mesure d'observer en nous-mêmes les funestes effets. Car n'est-ce pas le mythe de la dignité exclusive de la nature humaine qui a fait essuyer à la nature elle-même une première mutilation, dont devaient inévitablement s'ensuivre d'autres mutilations? On a commencé par couper l'homme de la nature, et par le constituer en règne souverain; on a cru ainsi effacer son caractère le plus irrécusable, à savoir qu'il est d'abord un être vivant. Et, en restant aveugle à cette propriété commune, on a donné champ libre à tous les abus. Jamais mieux qu'au terme des quatre siècles de son histoire l'homme occidental ne put-il comprendre qu'en s'arrogeant le droit de séparer radicalement l'humanité de l'animalité, en accordant à l'une tout ce qu'il retirait à l'autre, il ouvrait un cycle maudit, et que la même frontière, constamment reculée, servirait à écarter des hommes d'autres hommes, et à revendiquer au profit de minorités toujours plus restreintes le privilège d'un humanisme corrompu aussitôt né pour avoir emprunté à l'amour propre son principe et sa notion. » [16]

Le résultat en est les « nègres » transformés en « bêtes de somme » puis les juifs transportés dans des wagons à « bestiaux » vers l'extermination à Auschwitz... Faut-il une fois de plus le rappeler? l'un des piliers idéologiques fondamentaux des nazis était que la « notion nazie de race portait une grande part la signification symbolique généralement associée à l’espèce […] Les Allemands étaient [pour les nazis] l’ « espèce » la plus élevée, supérieure à toute vie […] »[17]

 

Emerveillement devant une "simple" araignée

L’émerveillement exprimé dans son article, « L'araignée », émerveillement devenu fascination de Mumia et de son compagnon de supplice pour cet arachnide, souvent injustement objet de dégoût mêlé de peurs irrationnelles dans les sociétés monothéistes et de bien d’autres manifestations maladives – telles les nombreuses phobies exprimées par quantités d’individus victimes de l’aliénation vis-à-vis de la nature, aliénation aggravée dans villes des sociétés industrielles – n’est pas un hasard.

Il est encore moins une affaire de goût ou de déviance psychique. Il est plus que la manifestation de la recherche d’un refuge mental hors d’un univers stérilisé et aseptisé. Il est l'expression de la convergence d’approche de MOVE et de Mumia quant à la recherche d’une philosophie de la vie réellement humaine, car prenant en compte tout l’homme et donc le primate et par conséquent l’animal qu’est chacun d’entre nous au sein du monde vivant.

Cet émerveillement reflète son adhésion à bien des thèses de John Africa qui, selon les mots de MOVE enseigne « que la valeur fondamentale est la Vie. […] Chaque vie est un élément de la chaîne du vivant et tout ce qui est vie a une raison d'être. Il s'ensuit que toute forme de vie, tout ce qui est animé, revêt une importance égale, qu'il s'agisse d'êtres humains, de chiens, d'oiseaux, de poissons, d'arbres, de fourmis, d'herbes folles, de fleuves, du vent ou de la pluie. Pour être forte et saine, la vie requiert de l'air pur, de l'eau claire et une nourriture naturelle [18]. »

Selon MOVE, « le but […] n’est pas de se faire des ennemis, mais de protéger la vie parce que protéger la vie est la priorité. Il faut protéger les chiens, les chats, les rats, les poissons, la terre, les arbres, les oiseaux, les insectes, les vers de terre …Tous appartiennent à la chaîne de la vie. Nourrir, protéger, nettoyer les rues, les lotissements vides, les parcs, enlever les objets tranchants qui pourraient blesser les animaux et les gens sont autant de principes révolutionnaires de John Africa. Ils sont essentiels au même titre que combattre le monde politique [19]. »

 

Rejet d'un mode de production mortifère

Mumia Abu-Jamal montre par son article « L'araignée » qu’il a saisi au plus profond de lui-même l’idée, pour en rejeter les conséquences, de la correspondance logique entre le mode de production actuellement dominant et la domination/destruction de la Nature, c’est-à-dire entre oppression et exploitation de l’Homme par l’Homme et oppression et exploitation du monde dit « animal ». Une exploitation, précisons-le, qui est à l'opposé d'une nécessaire utilisation rationnelle de la nature basée sur le plus grand respect possible et l’effort continu de compréhension de la très haute complexité des lois de son fonctionnement. Une utilisation rationnelle, un respect et une compréhension que la concurrence économique aveuglante, basée sur le régime de la propriété privée des grands moyens de production, rend impraticable en la renvoyant aux calendes grecques.

F. Engels avait déjà en son temps montré la correspondance entre exploitation de la Nature et exploitation de l’Homme par l’Homme et mis en exergue les effets dévastateurs que provoque la recherche du plus grand profit qui s'exerce au détriment de la compréhension des lois de fonctionnement de ce qu'on appelle la Nature et surtout empêche la mise en pratique de la solution qui s'impose. Il écrivait:

« Cependant, ne nous flattons pas trop de nos victoires sur la nature. Elle se venge sur nous de chacune d'elles. Chaque victoire a certes en premier lieu les conséquences que nous avons escomptées, mais en second et en troisième lieu, elle a des effets tout différents, imprévus, qui ne détruisent que trop souvent ces premières conséquences […]

« Et ainsi les faits nous rappellent à chaque pas que nous ne régnons nullement sur la nature comme un conquérant règne sur un peuple étranger, comme quelqu'un qui serait en dehors de la nature, mais que nous lui appartenons avec notre chair, notre sang, notre cerveau, que nous sommes dans son sein, et que toute notre domination sur elle réside dans l'avantage que nous avons sur l'ensemble des autres créatures, de connaître ses lois et de pouvoir nous en servir judicieusement. Et, en fait, nous apprenons chaque jour à comprendre plus correctement ces lois et à connaître les conséquences plus proches ou plus lointaines de nos interventions dans le cours normal des choses de la nature. Surtout depuis les énormes progrès des sciences de la nature au cours de ce siècle, nous sommes de plus en plus à même de connaître les conséquences naturelles lointaines, tout au moins de nos actions les plus courantes dans le domaine de la production, et, par suite, d'apprendre à les maîtriser. Mais plus il en sera ainsi, plus les hommes non seulement sentiront, mais sauront à nouveau qu'ils ne font qu'un avec la nature et plus deviendra impossible cette idée absurde et contre nature d'une opposition entre l'esprit et la matière, l'homme et la nature, l'âme et le corps, idée qui s'est répandue en Europe depuis le déclin de l'antiquité classique et qui a connu avec le christianisme son développement le plus élevé.

« […] Vis-à-vis de la nature comme de la société, on ne considère principalement, dans le mode de production actuel, que le résultat le plus proche, le plus tangible ; et ensuite on s'étonne encore que les conséquences lointaines des actions visant à ce résultat immédiat soient tout autres, le plus souvent tout à fait opposées [20]."

Certes MOVE ne déclare pas fonder ses principes écologiques et politiques « sur les énormes progrès des sciences de la nature au cours de ce siècle », comme le faisait Engels. Et ce n’est certes pas sans conséquences sur leur stratégie politique, sans doute marginale et « sectaire »... Mais c’est une compréhension convergente aux conclusions communes qui fonde le radicalisme inaliénable de l’engagement du prisonnier politique Mumia Abu-Jamal. Un engagement qui le rend également pour cette raison insupportable à l’establishment.

 

L'Angelus novus

Ainsi, alors que le mode de production basé sur l'exploitation sans vergogne de la Nature et de l'Homme par l'Homme, démontre son irresponsabilité structurelle et sa nature intrinsèquement destructrice, Mumia Abu-Jamal apparaît auprès de beaucoup comme un puissant arbre symbolique qui résiste au cœur même d'un des centres de la dénaturation.

Il se dresse avec son sourire animé d'une inébranlable éthique et ses « dreadlocks » semblables à de fières ramifications de baobab, plongeant ses racines dans le souvenir des savanes africaines, maintenant fermement ses attaches avec la Nature violée et courroucée face au bulldozer de la cupidité provoquant la destruction et la mort.

Une destruction des plus barbares d’espèces animales et végétales entières qui par milliers disparaissent à jamais sans même qu’on ait seulement pensé à leur accorder un statut qui mériterait qu'elles soient hissées bien au-dessus de n’importe quelle œuvre d’art ou monument historique, tant est qu'elles sont infiniment plus complexes et d’un âge incomparablement plus élevé, sans parler du simple fait qu’en tant qu’êtres vivants leur statut d’êtres sensibles devrait les placer d'emblée à un niveau inégalable.

« Le jour n'est, hélas! pas venu où l'extinction d'une espèce vivante sera tenue pour un délit aussi grave que la destruction d'un chef-d’œuvre artistique. Le fait est d'ailleurs plus grave encore, évidemment, puisqu'on peut reconstruire un monument ou même refaire un tableau, mais qui rappellera à la vie le grand pingouin, le pigeon migrateur, le dodo ou le zèbre quagga? » écrivait Théodore Monod [21].

 Et en corollaire de cette destruction de milliers d'espèces considérée par les spécialistes comme la sixième grande extinction d'espèces a eu lieu et se poursuit l'anéantissement de centaines de peuples de chasseurs-cueilleurs qui continuaient depuis des temps immémoriaux à vivre la vie de « Ceux-qui-laissent » par opposition à « Ceux-qui-prennent », pour reprendre la classification proposée par Daniel Quinn dans son roman « Ishmael » [22]; la mort aussi pour des millions d’individus dans le cours d'un processus d'accroissement aveugle et tous azimuts des membres de notre espèce n'appartenant pas aux cultures des chasseurs-cueilleurs... (voir mon article : http://www.michel-aymerich.com/2013/06/26/il-faut-briser-conceptuellement-et-moralement-la-dictature-du-tabou-concernant-notre-droit-usurp%C3%A9-%C3%A0-procr%C3%A9er-sans-fin-et-de-mani%C3%A8re-purement-criminelle/)

« Si la religion, écrit Mumia Abu-Jamal de sa plume puissante, n’a pas eu d’effet sur l’épandage de ce sang (a-t-elle fait autre chose qu’y aider et y encourager ?) alors pourquoi en avoir besoin ? Comment se fait-il que nous soyons devenus anesthésiés au point de pouvoir prétendre que notre foi est utilisée comme une des pires poudrières dans notre culture de mort ?

« Nous vivons dans un monde de mégamort, sur des terres rougies de sang des peuples originels et ternies par les larmes des captifs involontaires. Nous "missionnons" et mutilons, nous "occidentalisons" [ici Mumia omet à tort ce qui pourrait être nommé « l'orientalisation » des peuples conquis par l'Islam, dont le Darfour à l'Ouest du Soudan en a été l'une des victimes les plus récentes) et pillons, torturons et affamons nos semblables, les êtres humains tout autour de la terre. Nous nous entretuons, mais en plus, nous violons la terre, notre mère à tous.

« Nous tuons des animaux pour pouvoir manger les morts. Nous transformons nos rivières, nos lacs et nos mers en lourds cloaques de mort et de plomb. Nous pillons et brûlons nos forêts, ensuite nous cherchons à savoir pourquoi, sans elles, la terre violée se dessèche en désert. Nous violons les montagnes et tapissons l’intérieur de nos portefeuilles du produit de leur brillant minerai. Nous empoisonnons notre air.

« Au-dessus de la marée de matérialisme qui envahit notre îlot de survie, les flots de la mort s’élèvent plus haut encore. Nous avons tenté de mécaniser, de contrôler, de limiter au maximum les rythmes du processus même de la vie et transformé les ventres de nos femmes en tombes. De froides éprouvettes sont les couveuses de notre progrès dénaturé [23] »

Il semblerait qu’ici Mumia Abu-Jamal trouve dans un mouvement propre des accents communs avec l’essayiste et philosophe allemand Walter Benjamin, lorsque ce dernier écrivait en 1940 dans ses thèses sur le concept d’Histoire : « Il existe un tableau de Klee qui s'intitule "Angelus Novus". Il représente un ange qui semble sur le point de s'éloigner de quelque chose qu'il fixe du regard. Ses yeux sont écarquillés, sa bouche ouverte, ses ailes déployées. C'est à cela que doit ressembler l'Ange de l'Histoire. Son visage est tourné vers le passé. Là où nous apparaît une chaîne d’événements, il ne voit, lui, qu'une seule et unique catastrophe, qui sans cesse amoncelle ruines sur ruines et les précipite à ses pieds. Il voudrait bien s'attarder, réveiller les morts et rassembler ce qui a été démembré. Mais du paradis souffle une tempête qui s'est prise dans ses ailes, si violemment que l'ange ne peut plus les refermer. Cette tempête le pousse irrésistiblement vers l'avenir auquel il tourne le dos, tandis que le monceau de ruines devant lui s'élève jusqu'au ciel. Cette tempête est ce que nous appelons le progrès » (Sur le concept d'Histoire, IXe thèse] [24]

 Parce que Mumia Abu-Jamal est un symbole de vie qui ne renonce pas, mais au contraire a voué son existence à la résistance et au combat pour la vie en prêtant sa voix à des millions de sans voix, il était, est, restera un homme à abattre. Il est la voix des sans voix, la voix qu’il faut faire taire. « L’État préférerait me voir avec une mitraillette qu’avec un microphone » dit-il lucide [25].

Alors, si vous pensez que décidément Mumia n'a pas sa place en prison, voici une lettre en plusieurs langues (allemand, anglais, espagnol, italien, portugais) demandant la libération de Mumia Abu Jamal : http://www.bring-mumia-home.de/bring-mumia-home/English.html

 

Notes:

[1] « Tout vainqueur des temps passés a sa place dans le cortège triomphal qui, guidé par les dominateurs du jour, foule aux pieds ceux qui gisent sur le sol. Comme cela a toujours été le cas, ce cortège charrie le butin. On l’appelle « patrimoine culturel ». Mais l’adepte du matérialisme historique sait prendre à son égard une attitude qui comporte plus de recul. Car ce qu’il aperçoit sous les espèces de ce patrimoine culturel, tout cela en bloc lui révèle une origine qu’il ne peut considérer sans frémir. Cela ne doit pas son existence seulement à l’effort des grands génies qui l’ont façonné, mais à la servitude anonyme de leurs contemporains. Il n’existe pas un témoignage de culture qui n’en soit un, en même temps, de barbarie. Et pas plus que du témoignage lui-même, la barbarie n’est absente du processus qui l’a transmis de l’un à l’autre. Aussi l’adepte du matérialisme historique se détourne-t-il de lui dans la mesure du possible. Il considère que c’est sa tâche de brosser l’histoire à rebrousse-poil. » in Walter BENJAMIN. Sur le concept d’histoire. Les Temps modernes, 1947.

[2] Actuellement, nous sommes confrontés à la sixième grande extinction d'espèces et la première provoquée par une forme dite de « civilisation ». Les taux d'extinction seraient de 1000 à 10.000 fois supérieurs à ceux des précédentes grandes crises. Selon Daniel Quinn, chaque jour 200 espèces disparaîtraient.

[3] MONOD, Theodore. Et si l’aventure humaine devait échouer. Paris : Grasset, 2000, pp 19, 20.

[4] ABU-JAMAL, Mumia. La mort en fleurs. Le temps des cerises, 1998, p. 133.

[5] TERRASSON, François. Des peurs toutes bêtes (Le regard d'un scientifique sur nos étranges peurs animales), Télérama n° 2795 - 6 août 2003.

[6] DEL VASTO, Lanza, in MONOD, Theodore. Et si l’aventure humaine devait échouer, p.?

[7] Sa condamnation à mort a été entre-temps commuée en prison à vie. Actuellement une campagne internationale est en cours pour demander sa libération !

[8] ABU-JAMAL, Mumia. La mort en fleurs, pp. 77-80.

[9] ABU-JAMAL, Mumia. ibid.

[10] ABU-JAMAL, Mumia. Ibid.

[11] MONOD, Theodore. Et si l’aventure humaine devait échouer, p. 20.

[12] 622 au XXe siècle. L'esclavage en terre d'islam. http://www.herodote.net/622_au_XXe_siecle-synthese-12.php

[13] Cité in ABU-JAMAL, La véritable histoire des Noirs américains. In : ABU-JAMAL, 2001, pp. 164-165.

[14] ABU-JAMAL, Mumia. La mort en fleurs, p. 132.

[15] Voir les images du bombardement ici : http://www.youtube.com/watch?v=pqYzIWmga3I

[16] Claude Lévi-Strauss, Anthropologie structurale, Deux, Paris, Plon, 1973, p. 53.

[17] Cité in E. Hardouin-Fugier, E. Reuss, D . Olivier, Luc Ferry ou le rétablissement de l’ordre, éd. Tahin party, 2002, p. 50.

[18] 25 ans avec MOVE, 1998, p. 72.

[19] Ibid., p. 49.

[20] ENGELS, Dialectique de la nature, Ed. sociales, 1975, pp. 180-183.

[21] MONOD, Theodore. Et si l’aventure humaine devait échouer.

[22] Voir mon article : http://www.michel-aymerich.com/2013/07/03/l-humanit%C3%A9-ce-sont-%33%A9galement-les-peuples-de-chasseurs-cueilleurs/

[23] ABU-JAMAL, Mumia. 1998, pp. 35,36.

[24] « Es gibt ein Bild von Klee, das Angelus Novus heißt. Ein Engel ist darauf dargestellt, der aussieht, als wäre er im Begriff, sich von etwas zu entfernen, worauf er starrt. Seine Augen sind aufgerissen, sein Mund steht offen, und seine Flügel sind ausgespannt. Der Engel der Geschichte muß so aussehen. Er hat das Antlitz der Vergangenheit zugewendet. Wo eine Kette von Begebenheiten vor uns erscheint, da sieht er eine einzige Katastrophe, die unablässig Trümmer auf Trümmer häuft und sie ihm vor die Füße schleudert... » in BENJAMIN, Walter. Über den Begriff der Geschichte, Leipzig: Verlag Philipp Reclam jun., 1984, pp. 160, 161.

[25] ABU-JAMAL, Mumia. 2001, p. 9.

 

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Anansi, la mère araignée
Anansi, la mère araignée
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lun.

15

juil.

2013

Réaction face à une Coronelle girondine massacrée et considérations générales sur les serpents, les hommes et la nature

La phobie des serpents n'a pas été transmise à cette petite fille...
La phobie des serpents n'a pas été transmise à cette petite fille...

Cliquez sur une photo pour visonner les trois...

Deux coronelles girondines (Coronella girondica) @Michel AYMERICH

 

 «Tu crois pouvoir écraser cette chenille ?

 Bien, c’est fait : ce n’était pas difficile.

 Bien, maintenant, refais la chenille…»

 (Lanza del Vasto)

 

 Je réagis sur le cas de cette inoffensive et malheureuse petite Coronelle girondine (Coronella girondica) qui, malgré l’interdiction, par arrêté ministériel, de tuer les serpents, a été coupée en deux, parce que victime des préjugés qui sévissent à l’encontre de ces animaux.

 La Coronelle girondine, appelée aussi Couleuvre girondine, est un petit serpent (longueur totale maximale, 96 cm, souvent beaucoup moins) assez fin et aux écailles lisses, discret, indolent, dépourvu d’ «agressivité» (si tant est que ce concept offre la moindre pertinence pour caractériser chez d'autres espèces un comportement strictement défensif!), et de mœurs le plus souvent crépusculaires, voire nocturnes. C’est également, en France, le serpent qui s’accommode le mieux de la présence humaine et il est ainsi, avec le Lézard des murailles (Podarcis muralis) et la Tarente commune (Tarentola mauritanica, un gecko visible par temps assez chauds la nuit sur les murs), le seul reptile parvenant à survivre encore dans l’agglomération de Montpellier. De ce fait, c’est presque toujours elle qui est tuée près des habitations par des personnes persuadées qu’il s’agit d’une vipère, pourtant absente des proches environs de cette ville.

 Elle n’est, hélas, pas le seul serpent à être victime depuis le début des années 1970 d’une activité humaine inconsidérée (notamment rouler systématiquement en voiture sans se soucier des conséquences dans un environnement où rien n'est fait pour éviter les très nombreuses victimes animales en tout genre). Je passerai ici sur les trop nombreux autres exemples qu'il m'a été et m'est régulièrement donné, hélas, de constater en France, en Espagne, au Maroc...

 Bien sûr, bien d'autres animaux appartenant à des classes zoologiques diverses sont également victimes de la cruauté, de l'ignorance et/ou de l'indifférence humaine et surtout de ce droit que se sont arbitrairement octroyés les hommes et les femmes, appartenant notamment aux cultures monothéistes, de décider de quelle espèce peut vivre ou mourir.

 Des cultures anthropocentriques et monothéistes...

 A propos de ces dernières «cultures» (un bien beau mot en regard des immenses destructions occasionnées…), je ne résiste pas à l'envie de citer ce grand scientifique qu'était Théodore Monod «le saharien». Raisonnant sur la responsabilité des monothéismes, le penseur écrivait : « [Ils] ont tous trois mis en avant le dogme de la royauté de l’homme sur l’ensemble de la Création. L’homme est le roi, elle a été créée pour lui, ou presque, pour son profit ou pour son plaisir. C’est l’anthropocentrisme des Ecritures. Pour comprendre un peu mieux les choses, il faut en réalité revenir à l’Ancien Testament, parce qu’il s’y trouve un verset que je cite souvent et qui est à mon avis particulièrement affreux. Il s’agit du verset 2 du chapitre IX de la Genèse. Nous sommes après le déluge, Noé et sa famille ont débarqué, et le verset 2 dit :

« Soyez la terreur des êtres vivants. » Après quelques considérations sur la possibilité d'interpréter cette phrase comme la constatation d'un simple fait, Monod rétorque : « […] mais juste avant le verset 2 se trouve le verset 1, formulé sans ambiguïté : « croissez et multipliez. » Il semble vraiment qu’il s’agisse d’un impératif, c’est un ordre de la divinité, et celui-là n’a été que trop bien appliqué. Je crains que le verset 2 ne soit, lui aussi, un impératif et que ce terrible commandement ne doive être considéré comme une injonction. » (Isabelle Jarry, Théodore Monod, Ed. Payot, Paris 2001, pp. 235-236).

 Il est connu également que dans ces cultures, le serpent est un être maléfique, si ce n'est même un envoyé du diable ! Il faut noter que tel n'était pas le cas dans les cultures qui les ont précédées et que le monothéisme a combattu, y compris par les armes. Et là, on peut retrouver l'une des racines principales, sinon la principale, de la peur du serpent. Une racine culturelle. Il faut le préciser tout de suite, la peur du serpent n'est pas «instinctive», «innée», «naturelle» chez l'Homme. Tous les hommes sur terre ne cherchent pas à anéantir les serpents. Ainsi, un Français qui avait eu le rare privilège de participer à une chasse naturelle de Bushmens au Kalahari racontait-il qu'à un certain moment ceux -ci s'arrêtèrent pour lui montrer un serpent arboricole, se trouvant à hauteur d'homme, sans manifester de peur irrationnelle, sans tenter comme ça se fait ailleurs en poussant des cris d'hystérie de tuer le serpent, se contentant posément de montrer l'animal à ce Blanc qui les accompagnait…

 Un bébé, mais aussi un tout petit enfant n'auront aucune peur de ces animaux. Visitant un jour le zoo de Moscou, avec mon ex-femme russe et sa nièce de 8 ans, j'ai pu, une fois de plus, vérifier cela. Un gros serpent d'1,70 m environ se trouvait posé sur un banc, afin que les gens puissent le voir. La petite fille qui n'avait jamais vu de serpents de sa vie, et surtout n' avait jamais eu la chance d'en toucher un, avait été informée par une seule phrase : «C'est un Python molure, ce serpent n'est pas dangereux…» L'indication lui suffit. Elle se dirigea sans hésitations vers le paisible animal et le caressa doucement, et lui soutenant délicatement la tête, elle l'aida à se mouvoir, à ne pas tomber de son banc, expliquant de sa propre initiative aux autres enfants qui n'avaient peut -être pas eu la chance d'avoir des parents dépourvus de phobies : «Il n'est pas dangereux, ne lui faites pas mal, faites attention à sa tête… » La peur est transmise socialement et elle est irrationnelle. Notamment quand elle se rapporte au serpent, au singulier. C'est -à-dire indépendamment de savoir si un serpent concret est (potentiellement) dangereux ou non.

 Un serpent, c'est un animal comme un autre...

 Souvent, très souvent, le serpent est perçu à tort comme un non-animal, un être visqueux et froid, et cela, sans considération du fait que ces reptiles ont des écailles (ne fait-on pas, hélas (2), des ceintures, des chaussures, des sacs en peau de serpent ?) et qu'ils sont à température variable. C'est -à-dire que la température de leur sang n'est pas constante et qu'ils doivent la réguler, tantôt en recherchant une source de chaleur, tantôt en s'éloignant de celle-ci.

On ignore alors – ce qui devrait être apparemment mieux enseigné dans les écoles (je suis, par ailleurs, farouchement partisan d'un enseignement de l'écologie en tant qu'une des matières principales (3) – que les serpents sont des Reptiles, lesquels par conséquent sont des Vertébrés. Ils possèdent une colonne vertébrale, des vertèbres et des côtes. On semble ignorer trop souvent qu'ils possèdent un cerveau, un cœur, des poumons (dont chez la plupart des espèces, seul le droit est vraiment développé, le gauche étant très réduit, voire atrophié...), un foie, un estomac, un intestin grêle et un gros intestin, des muscles, des reins, une vésicule biliaire, un pancréas, un «pénis» (en fait des organes copulateurs pairs appelés hémipénis) et des testicules (lorsqu'il s'agit d'un mâle), un ovaire (lorsqu'il s'agit d'une femelle), un rectum et un cloaque, etc.

Bref, qu'à la différence du cloaque et des hémipénis et de la possession d'un seul poumon vraiment fonctionnel, la plupart des organes que nous avons, nous humains, nous les partageons avec eux (4). Leur sang est rouge et non pas vert comme les monstres «reptiliens» d'Hollywood.

Ils n'ont plus de pattes. Ce n'est pas parce qu'ils auraient été condamnés «éternellement» à ramper, c'est la conséquence d'une adaptation, d'une évolution qui leur confèrent de nombreux avantages. Et lorsqu'on prend la peine d'observer un serpent se mouvoir, alors on est frappé par la beauté de ce mouvement, son harmonie, cette magnifique agilité, sa force lorsqu'il s'agit de grimper sur des branches.

En outre, les serpents sont sourds. Mais, ils le sont en ce sens qu'ils sont dépourvus d'oreilles. Par contre, ils perçoivent les vibrations du sol et de l'air. Leur langue, en relation avec un organe olfactif spécifique aux serpents et à certains lézards, l'organe de Jacobson, est un outil développé de prospection de leur environnement qui leur permet de s'orienter et de trouver leurs proies.

 Nul n'est sensé ignorer la loi, mais...

  Les serpents sont protégés par la loi en France et en Europe. «Nul n'est sensé ignorer la loi.» Mais cela ne suffit pas du tout. Il faut contribuer personnellement à protéger tous les serpents, y compris venimeux. Protéger ces animaux, c'est au-delà de leur cas précis, protéger une nature véritablement sauvage, et par conséquent la nature dans ce qu'elle a de plus intrinsèque, contre les souillures de ceux des hommes grossiers qui n'ont cure de ce qui adviendra après leur mort d'individualités médiocres. Les enfants, au moins eux, n'y ont -ils pas droit ? N'ont -ils pas droit à autre chose qu'à une vie dans le béton, dans un univers stérilisé, désenchanté et ennuyeux engendrant nécessairement une violence toujours plus barbare de chacun contre tous ?

 Les serpents n'attaquent jamais, ils fuient. Se faire mordre par un serpent venimeux (une vipère, par ex.), dans la nature en France et dans la plupart des pays, est extrêmement rare et tout à fait évitable. Il suffit de ne pas marcher pieds-nus ou en sandales là où des serpents venimeux peuvent exister. Il ne faut pas non plus mettre les mains n'importe où sans regarder. Est -ce trop demander? Se promène-t-on « librement » sur les autoroutes ?

  A propos du comportement d'un serpent, venimeux en l'occurrence, voici une anecdote qui permettra à celui ou à celle qui me lit de se faire une idée de leur manque d'«agressivité». Je me trouvais, voici quelques années, à discuter assis sur le sol avec un ami passionné d'écologie, quelque part au Mont Aigoual dans les Cévennes, quand j'entendis un froissement d'herbes. Je dis à mon ami : «Tiens, ce doit être un serpent...» J'attendis quelques secondes et vis, en effet, une Vipère aspic apparaître des buissons et s'approcher de nous. En réalité, elle se dirigeait dans notre direction sans se rendre compte de notre présence. Nous étions tout simplement sur son passage. Alors, sans bouger de ma place, me baissant jusqu'à son niveau, je profitais de l'aubaine pour la photographier à quelques centimètres de distance. S'étant aperçue pendant cette séance de photographie de notre présence, elle décida de rebrousser chemin et mon ami et moi, nous continuâmes à discuter, sans avoir bougé d'un iota de notre place, sans nous soucier du serpent, sachant parfaitement que la vipère avait décidé de ne plus s'approcher.

 Quelle conclusion tirer de cela?

 Qu'il est infiniment moins dangereux de coexister avec une vipère à quelques mètres de soi, voire moins, qu'avec de nombreux membres de notre espèce. D'ailleurs, j'ai toujours plus peur d'être victime avec une compagne d'une agression humaine, lorsque je fais du camping sauvage dans la nature ou d'être victime d'un accident d'automobile, et donc de l'inconscience d'autres humains (hommes ou femmes !), enivrés par la puissance de leur voiture, que d'un serpent dans la nature ou encore d'un scorpion dont je peux également affirmer, les connaissant très bien, qu'ils sont eux aussi dépourvus d' «agressivité».

 Un vocable à réserver aux hommes de nos cultures que l'auteur américain Daniel Quinn qualifiait dans son roman philosophique «Ishmael» de «ceux-qui -prennent» (qui prennent tout : la vie des autres espèces, l'espace des autres espèces, les proies des autres espèces, etc., ainsi que la vie des autres hommes...), par opposition à «ceux-qui-laissent» (les espèces animales sauvages et les peuples de chasseurs-cueilleurs, tels, par exemple, les Aborigènes d'Australie, les Papous, les Bushmens, les Pygmées ou les Indiens d'Amazonie, ainsi que toutes les espèces animales sauvages...). C'est -à-dire les espèces animales sauvages et ceux des hommes et des femmes qui ont appris depuis des temps immémoriaux à vivre dans un équilibre sain, sinon en harmonie avec toutes les espèces animales et végétales. Ceux encore qui savent qu'on ne peut tuer impunément. Mais ces peuples, avec toute la nature, se meurent. (Voir mon article: http://www.michel-aymerich.com/2013/07/03/l-humanit%C3%A9-ce-sont-%C3%A9galement-les-peuples-de-chasseurs-cueilleurs/)

 L'ange de l'histoire

 N'ai -je pas raison d'avoir peur du cours actuel des choses, quand je constate à quel point des milliards d'hommes, sept et bientôt dix milliards!!! (Voir mon article:http://www.michel-aymerich.com/2013/06/26/il-faut-briser-conceptuellement-et-moralement-la-dictature-du-tabou-concernant-notre-droit-usurp%C3%A9-%C3%A0-procr%C3%A9er-sans-fin-et-de-mani%C3%A8re-purement-criminelle/), certes avec des responsabilités très inégales, continuent de saccager la planète, plongés qu'ils sont dans l'obscurantisme moderne et possédés soit d'une part par la recherche du profit immédiat et/ou obnubilés par une consommation débridée, soit contraints à la lutte pour la survie d'autre part ?

 L'essayiste et philosophe allemand Walter Benjamin écrivait en 1940 dans ses thèses sur le concept d'Histoire : « Il existe un tableau de Klee qui s'intitule "Angelus Novus". Il représente un ange qui semble sur le point de s'éloigner de quelque chose qu'il fixe du regard. Ses yeux sont écarquillés, sa bouche ouverte, ses ailes déployées. C'est à cela que doit ressembler l'Ange de l'Histoire. Son visage est tourné vers le passé. Là où nous apparaît une chaîne d’événements, il ne voit, lui, qu'une seule et unique catastrophe, qui sans cesse amoncelle ruines sur ruines et les précipite à ses pieds. Il voudrait bien s'attarder, réveiller les morts et rassembler ce qui a été démembré. Mais du paradis souffle une tempête qui s'est prise dans ses ailes, si violemment que l'ange ne peut plus les refermer. Cette tempête le pousse irrésistiblement vers l'avenir auquel il tourne le dos, tandis que le monceau de ruines devant lui s'élève jusqu'au ciel. Cette tempête est ce que nous appelons le progrès. » (Sur le concept d'Histoire, IX thèse).

Alors, face à ce processus monstrueux, faisons en sorte dès maintenant que «le monceau de ruines» ne devienne pas très prochainement un gigantesque assemblage de ruines et de détritus qui finira par s'abattre sur nous. Pour cela, laissons exister la nature sauvage, laissons vivre les serpents, tous les serpents, comme laissons vivre les loups, les ours, les lynx etc. et donnons l'exemple à ceux des peuples qui tournent leurs regards vers nous. Car autrement, comment conseiller aux habitants de l'Inde de ne plus massacrer ou laisser massacrer les derniers tigres et protéger leurs habitats ? aux habitants de l'Indonésie d'interrompre le massacre des orangs-outans et de cesser de faire ou laisser disparaître les habitats de nombreuses espèces et de tout faire pour les sauvegarder ? de conseiller aux habitants du fantastique continent africain -berceau des Hominidés et de notre espèce- de ne pas massacrer ou laisser disparaître les gorilles, nos autres cousins très proches que sont les Bonobos et les nombreuses autres espèces de ce continent si riche en espèces animales et végétales ? Oui, comment argumenter de façon crédible si nous ne donnons pas, nous-mêmes, l'exemple pour convaincre de ne pas suivre le triste exemple du Maroc où en 1942 un des derniers Lions de l'Atlas était abattu (5), où dans les années 1950 les derniers crocodiles disparaissaient (6), où les dernières hyènes, les derniers caracals, les derniers servals, les dernières panthères (qu'en est-il des guépards?) et bien d'autres espèces animales (7), sans parler de la disparition du couvert végétal...(Dans sa mise à jour de cette année 2013, l’UICN place le cèdre de l’Atlas sur sa liste rouge des espèces en voie de disparition), sont actuellement en train de s'éteindre dans l'indifférence quasi générale et ce alors que la sous-espèce marocaine du remarquable Cobra égyptien (Naja haje legionis) - exhibé pour le plaisir des touristes étrangers comme ceux du pays, complices en la matière, et avec la complaisance des articles à sensation (8)- est également menacée d'extinction...

 PS : Je précise que j'ai été mordu un certain nombre de fois (je fais référence à des envenimations, dont la dernière en novembre 2012 par une Vipère à cornes. Je ne compte pas les morsures de couleuvres), ainsi que piqué par des scorpions au Maroc, mais toujours parce que j'avais commis des erreurs de manipulation avec des serpents ou des scorpions qui se sentaient en danger. Il en allait de ma responsabilité, jamais de celle de ces animaux...

 Par Michel AYMERICH

Notes:

1) Cité par Théodore Monod dans «Et si l’aventure humaine devait échouer», Paris 2000, p.114.

2) Des millions de serpents d'Asie, d'Afrique, mais aussi des Etats-Unis sont victimes de la cupidité menaçant des espèces de disparition et déséquilibrant les équilibres naturels. Dans certains pays, la raréfaction des serpents a probablement conduit à des déséquilibres au sein des populations de proies, comme de prédateurs spécialisés dans la capture des serpents...

3) Sans penser, toutefois, qu'ainsi le problème des destructions écologiques diverses serait automatiquement en voie de résolution, loin, très loin de là... Sans penser non plus que la question du respect moralement motivé, non des espèces, mais des individus («spécimens» dans le langage idéologique de la «science»...) composant les diverses espèces, serait seulement posée. Mais cela pourrait aider à préparer la nécessaire prise de conscience radicale que le respect des espèces et de l'équilibre régissant leurs rapports réciproques est un impératif qui s'impose.

4) N'étant pas dans mon intention de faire une liste exhaustive de l'anatomie des serpents mâles et femelles, la liste donnée reste indicative et illustrative d'une famille d 'animaux vertébrés qui n'ont rien en commun avec, par exemple,... les vers.

5) Cuzin, Fabrice, « Les grands mammifères du Maroc méridional », Thèse de Doctorat, discipline Ecologie animale, EPHE, Université Montpellier II, 3 février 2003, p. 234.

6) Bons, Jacques, Geniez, Philippe, « Amphibiens et Reptiles du Maroc (Sahara Occidental compris) Atlas biogéographique », Barcelone, 1996, p. 266.

7) Cuzin, Fabrice, Op. cit.

8) Il y a quelques années, à la honte de la revue «Terre sauvage» (N° 190 - Décembre 2003 - Janvier 2004) pourtant d'habitude mieux inspirée et s'affichant comme étant soucieuse d'écologie, un article mal informé et trompeur publiait des photos de cobras capturés par un Aïssaoui, sans que rien ne soit écrit sur leur triste sort programmé et les très sérieuses menaces qui pèsent sur cette espèce. (Voir mon article:http://www.michel-aymerich.com/2013/07/03/proposition-d-alternative-aux-actuels-spectacles-moyen%C3%A2geux-pr%C3%A9sentant-%C3%A0-marrakech-des-serpents-des-singes-magots-et-d-autres-animaux/)

La femme avec le serpent...

Woman with Snake, 1938. Photo Paul Outerbridge
Woman with Snake, 1938. Photo Paul Outerbridge

Ici, le serpent et la femme, avec l'arbre pour cadre naturel, représentent une union fructueuse de la procréation, de la naissance, de la mort et de la promesse d'une nouvelle vie.  L'ophidien est porté tel un nouveau né par une femme aux traits et aux formes franchement féminins. Elle l'observe - quelque peu soucieuse - avec une expression maternelle. Ses écailles ventrales segmentées, ses anneaux formant un cercle et sa couleur noirâtre suggèrent les entrailles de la femme. La langue dardée nous rappelle qu'il s'agit bien d'un serpent. La partie terminale de son corps descend, longe les formes féminines  jusqu'à se confondre avec celles-ci en en épousant les contours. La queue semble discrètement à la façon d'un long phallus vouloir aller rejoindre le vagin dans un acte prometteur de vie. Ici, point d'absurde phobie ni de diabolisation. Point de consternant "péché",  pas de contrition tant autodestructrice que destructrice du vivant, mais une érotique nudité assumée sans complexes au Paradis constitué de la forêt et de ses habitants indissociables. Ensemble, ils forment une totalité vitale aux parties interdépendantes...

 

Michel Aymerich

Autres articles où il est question de serpents...

La Couleuvre de Montpellier occidentale (Malpolon monspessulanus monspessulanus)

C'est une grande couleuvre de fière allure. Les mâles dépassent parfois, bien que très rarement en France, les 2 m. Au Maroc, on trouve fréquemment des mâles de plus de 1,80 et les exemplaires de 2 m ne sont pas rares. J'en ai trouvé un de 2,05 m après El Aïoun du Drâa et j'ai récupéré chez des Aïssaoua trois exemplaires qui dépassaient les 2m. Un spécimen de 2,17m a été mesuré dans ce pays. Le record dûment documenté est de 2,23m ! Lire!

Capture d'un cobra au Maroc et réflexions sur les cobras et les hommes!

Nous partons à la recherche d'un cobra. Nous sommes au printemps 2008. Les serpents doivent chercher à s'accoupler et donc s'aventurer plus qu'à d'autres périodes de l'année hors de leurs terriers. je suis toutefois sceptique quant à nos chances de succès. La pression anthropique, notamment sous la forme de captures par les Aïssaoua, est dévastatrice ! Mais la chance est au rendez-vous... Lire!

Chinois et serpents...

"Ces Chinois rencontrés ne savaient peut-être pas toujours différencier serpents venimeux et non venimeux, mais l'existence de ces deux catégories allait de soi pour eux. Ce n'est pas du tout le cas dans les campagnes marocaines où souvent j'ai entendu dire que "tous les serpents sont venimeux"... "Tous", sans exception! Et combien de fois n'ai-je pas entendu au Maroc que les serpents non venimeux que je manipulais avaient auparavant craché leur venin... 

  Un autre paradigme culturel

J'avais le sentiment, en observant ces comportements si distinctement opposés à ceux qu'habituellement je connaissais que ces Chinois témoignaient là d'une évolution culturelle générale qui les avait préservés de l'irrationalité manifeste encore si répandue chez de nombreux membres des sociétés monothéistes..."

Lire!

"Mon" serpent-lime de Crosse

"J'étais dans ma case et me préparais à aller me coucher sur mon lit de camp quand j'entendis la voix de mon ami Wang Wei. Il me criait: «Mamba noir! Mamba noir!» Je me rhabillai en toute vitesse, ouvris la porte de ma case, sortis et le suivis à la «base des Chinois» qui se trouvait toute proche. Base de la société CRCC (China Railway Construction Corporation) qui travaille là-bas à préparer le terrain pour la future construction d'une ligne de chemin de fer..."

Lire!

Vidéo: "Séances photos de serpents de Chine avec Michel Aymerich"

Vidéo: Cobras Royaux de Chine

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08

juil.

2013

INTERPOL a signé un accord avec une ONG pour lutter contre le trafic d’espèces sauvages!

Peaux de félins et de python, crocodile nain empaillé! Souk de Marrakech, avril 2013 ©Michel Aymerich
Peaux de félins et de python, crocodile nain empaillé! Souk de Marrakech, avril 2013 ©Michel Aymerich

Diaporama présentant quelques exemples d'animaux exposés au souk de Marrakech...

De gauche à droite, au souk de Marrakech en avril 2013: Milan, Chouette-chevêche, Faucon, Fouettes-queue, Fouette-queue agonisant, peaux de cobras et couleuvres de Montpellier morts après avoir été exhibés sur la Place Jemaâ El Fna à Marrakech.

 Photos © Michel AYMERICH

Le 22 mai 2013, dans la ville de Lyon, INTERPOL signait un accord avec le Fonds international pour la protection des animaux (IFAW), créé en 1969, « pour renforcer la lutte contre la criminalité liée aux espèces sauvages à l’échelle planétaire »*

 

 Sur le site d'INTERPOL, on peut lire :

 « Cet accord avec l’IFAW permettra de dynamiser les actions menées partout dans le monde pour identifier et démanteler les organisations criminelles se livrant au trafic d’espèces sauvages », a déclaré le Directeur exécutif des Services de police d’INTERPOL, M. Jean-Michel Louboutin, qui a signé le protocole d’accord au nom de l’organisation mondiale de police.

  « Les organisations criminelles qui se livrent au trafic d’espèces sauvages n’ont aucun respect pour notre environnement et ignorent les frontières, menant leurs activités illicites là où les perspectives de profits sont les plus intéressantes. »

  « Aucun pays ou organisation ne peut à lui seul venir à bout du problème mondial de la criminalité liée aux espèces sauvages, et nous nous réjouissons à l’idée de poursuivre notre étroite collaboration avec l’IFAW afin d’apporter une aide supplémentaire à la police et aux autres services chargés de l’application de la loi présents sur le terrain », a ajouté M. Louboutin.

 « […] Les réseaux criminels internationaux sont en train de dépeupler la planète de ses animaux. Les ONG, les services chargés de l’application de la loi et les gouvernements doivent eux aussi s’organiser, s’équiper et faire preuve de détermination pour s’attaquer à cette menace – nouvelle et croissante – qui pèse sur la préservation des espèces et la sécurité internationale », a déclaré le PDG et Président de l’IFAW, M. Azzedine Downes. »**

 

Ne sont pas concernées que quelques espèces...

 S'il « vise plus particulièrement à lutter contre le braconnage des éléphants, des rhinocéros et des tigres et à mettre fin au commerce des produits dérivés de ces animaux », écrit Azzedine Downes, dans son article relatant cet accord de haute importance, ce dernier ne se limite pas à ces espèces.

 On lit, en effet, sur le site de l'IFAW, ce qui suit :

 « Notre mission : Le Fonds International pour la Protection des Animaux (IFAW) œuvre à l'amélioration du bien-être des animaux sauvages et domestiques à travers le monde en réduisant l'exploitation commerciale des animaux, protégeant les habitats fauniques et aidant les animaux en détresse. IFAW cherche à motiver le public pour prévenir la cruauté envers les animaux et promouvoir le bien-être animal et les politiques de préservation qui font progresser le bien-être des animaux et de l'homme. »***

 

Le Maroc est concerné!

  Ce qui signifie que l'IFAW ne peut demeurer indifférent à ce qui se passe au Maroc, notamment au souk de Marrakech, où l'on peut voir des peaux de panthères, de servals, de caracals, de loups d'Afrique, de chacals d'espèces différentes, de hyènes tachetées, mais aussi rayées, de porcs-epics, des crocodiles nains d'Afrique empaillés (Osteolaemus tetraspis), des peaux de varans gris et de pythons de Seba, et bien d'autres animaux morts et vivants (fouettes-queue, caméléons, tortues grecques, milans, chouettes, faucons, vautours...). Des animaux sauvages massacrés et domestiques surexploités, sans parler des chiens régulièrement empoisonnés, tués au fusil ou au bâton ou par pierres… Et maintenant, il serait même question de légaliser les spectacles de serpents et de singes magots à Marrakech, sous condition... Lesquelles ?

 J'ai proposé dans un article précédent (Proposition d'alternative aux actuels spectacles moyenâgeux présentant à Marrakech des serpents, des singes magots et d'autres animaux...****) une série de mesures articulées entre elles susceptibles d'apporter une solution. Seront-elles prises en considération ou choisira-t-on des conditions inacceptables tant du points de vue écologique que de celui du bien-être animalier? Ce qui dans le cas concret des serpents signifie également une capacité assurée de survie et de reproduction des individus captifs…

 

Il est plus que temps de considérer qu'il faille punir sévèrement, en amont et en aval, les auteurs des crimes contre les espèces !

 Azzedine Downes conclut son article, consacré à cet accord :« Ce partenariat constitue également un modèle à suivre pour les autres ONG. Actuellement, aucun gouvernement ni aucune ONG n’est assez puissant ou ne dispose de suffisamment de ressources pour pouvoir mettre fin, à lui seul, au trafic d’espèces sauvages. En unissant nos forces, nous serons beaucoup plus efficaces pour venir en aide aux animaux. » et M. David Higgins, Responsable du Programme INTERPOL sur les atteintes à l’environnement, déclare pour sa part : « On ne saurait trop insister sur la nécessité d’une coopération à tous les niveaux pour lutter efficacement contre la criminalité liée aux espèces sauvages et arrêter les personnes à l’origine de ces activités illégales, et nous avons hâte de renforcer notre collaboration avec l’IFAW dans le cadre de notre action commune de protection de la biodiversité » *****

 J'aimerais que ce qui précède soit traduit dans les faits au Maroc. Personnellement, je suis d'avis que « arrêter les personnes à l'origine de ces activités illégales » n'est pas suffisant. Il faut également punir sévèrement et arrêter en cas de récidive ceux qui se livrent au commerce, sans oublier les acheteurs qui doivent être découragés par de fortes amendes, voire des peines plus lourdes…

 

Michel Aymerich

 

*http://www.interpol.int/fr/Internet/Centre-des-m%C3%A9dias/Nouvelles-et-communiqu%C3%A9s-de-presse/2013/PR060

** Idem

*** http://www.ifaw.org/france/a-propos-difaw

****http://www.yabiladi.com/articles/details/18260/especes-protegees-maroc-alternative-spectacles.html

ou:http://www.michel-aymerich.com/2013/07/03/proposition-d-alternative-aux-actuels-spectacles-moyen%C3%A2geux-pr%C3%A9sentant-%C3%A0-marrakech-des-serpents-des-singes-magots-et-d-autres-animaux/

*****http://www.interpol.int/fr/Internet/Centre-des-m%C3%A9dias/Nouvelles-et-communiqu%C3%A9s-de-presse/2013/PR060

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mer.

03

juil.

2013

Proposition d'alternative aux actuels spectacles moyenâgeux présentant à Marrakech des serpents, des singes magots et d'autres animaux...

A gauche, une vipère heurtante morte à qui on fait gober aux badauds qu'elle gobe un oeuf de poule!  @ Jean Delacre
A gauche, une vipère heurtante morte à qui on fait gober aux badauds qu'elle gobe un oeuf de poule! @ Jean Delacre
Mais que font-ils là? @Michel Aymerich
Mais que font-ils là? @Michel Aymerich
Malheureux singe magot arraché à sa forêt de cèdres...@Michel Aymerich
Malheureux singe magot arraché à sa forêt de cèdres...@Michel Aymerich

Un nombre non négligeable d’espèces animales au Maroc ont disparu ces dernières décennies (Addax, Oryx algazelle, Gazelle dama, Guépard, Autruche à cou rouge, etc.). D’autres ont vu leurs effectifs baisser dramatiquement et sont à terme menacées de disparition : Panthère, Serval, Caracal, Hyène rayée... Parmi elles, plusieurs espèces de serpents, au premier rang desquelles le Cobra d'Afrique du Nord, qui à l’instar de nombreuses autres espèces animales sont menacées par l’extension des activités humaines caractérisées par la destruction croissante de nombreux écosystèmes.

 Là où leurs habitats demeurent encore relativement intacts, les serpents sont victimes de leur destruction directe par les bergers et par les habitants, et ce sans distinction aucune. La plupart du temps, il n’est pas tenu compte du fait que sur les 25 espèces que compte le pays, seules 8 sont potentiellement dangereuses et qu’aucune n’attaque les hommes. C’est même tout le contraire. Théodore Monod, dans son mémorable "Méharées", écrivait avec une ironie percutante, à propos des serpents qu'il pouvait parfois rencontrer dans les régions sahariennes : "Couleuvres, inoffensives et blondes, vipères [...]. Mais de grâce, n'oubliez pas d'ajouter "à cornes", c'est tellement plus terrifiant pour votre public, car il s'imagine que ce diabolique appendice, arme supplémentaire, ajoute encore à la nocivité du reptile.[...] Les vipères sahariennes, qui sont des cerastes, ont [...] plus peur de nous que nous d'elles, ce qui n'est pas peu dire."

 Il n’est pas tenu compte, non plus, du fait que plusieurs espèces sont rarissimes ou que leur répartition au Maroc est très limitée. Les serpents sont, en effet, tant les victimes de la peur de la Nature que des forts préjugés sévissant à leur égard et de la prétention arbitraire et «préécologique» de décider quelles espèces peuvent vivre et quelques espèces doivent mourir…

 

Les Aïssaoua

 Les Aïssaoua, quant à eux, sont les principaux responsables de la raréfaction de la sous-espèce marocaine du Cobra d’Egypte ou Cobra d’Afrique du Nord, Naja haje legionis, et de cette remarquable relicte tropicale (d’affinités subsahariennes) qu’est la Vipère heurtante, Bitis arietans. Ils sont également responsables de la raréfaction de la sous-espèce récemment décrite par la science de la Couleuvre de Montpellier, Malpolon monspessulanus saharatlanticus. Un serpent remarquable à plus d’un titre que l’on retrouve jusque dans le sud de la France, dont les mâles peuvent atteindre l’âge respectable de 25 ans et dont observations et études en cours tendent à démontrer que les représentants de cette espèce ont un comportement social plus complexe qu’on ne l’imaginait…

Les Aïssaoua, en effet, détruisent par captures les dernières populations viables des espèces mentionnées dans les quelques sanctuaires devenus aujourd’hui bien rares.

 

Pour combien de temps encore ?

 L’activité de capture des serpents à des fins de commercialisation par les Aïssaoua représente, combinée aux spectacles d'un autre temps (grands consommateurs de vies ophidiennes) qui sévissent à Marrakech, mais aussi dans d'autres villes, notamment dans les grands hôtels, un des facteurs principaux d’appauvrissement écologique durable des derniers sanctuaires abritant les espèces remarquables mentionnées, laquelle provoque un déséquilibre entraînant toute une série de dommages écologiques collatéraux : tendance, par exemple, au déséquilibre des populations de mammifères régulés par les serpents et à la raréfaction des espèces, dont les serpents constituent une part importante de leur alimentation. On peut penser notamment au Circaète Jean- le-Blanc. Il en résulte des milieux largement stériles et morts, des terres désenchantées, parce que vidées de leurs habitants faunistiques légitimes.

 A l’autre bout de la chaîne, les montreurs de serpents de Marrakech et d’ailleurs, assimilés à tort aux Aïssaoua. Ici nulle écologie, nulle morale, nulle transmission d’un savoir, mais un spectacle douteux à tous égards, indigne des temps actuels caractérisés par la sixième extinction des espèces et d’une ville de la qualité de Marrakech ! « À Marrakech, la Place Jemaa-El-Fna doit une partie de sa renommée aux traditionnels spectacles de "charmeurs de serpents". Ces spectacles sont reproduits dans de nombreuses autres places et hôtels du Maroc. La perpétration de ces douteuses pratiques moyenâgeuses induit la maltraitance des cobras, des vipères heurtantes, des couleuvres de Montpellier et autres serpents, lesquels sont remplacés par d’autres victimes ophidiennes après quelques mois ou semaines, car tous voués à une mort programmée. Cette consommation parasitaire de la biodiversité entraîne aussi bien de trop nombreuses captures qu’un maintien dans des boîtes infectes (sans eau, sans nourriture et au mépris de toute hygiène) et un trafic dans des conditions abominables provoquant une grande mortalité des serpents détenus »

 

Lutter contre ces spectacles d’un autre âge

 Afin de lutter contre ce processus destructeur et ces spectacles hérités d’un autre âge*, nous proposons une série de mesures articulées entre elles susceptibles de les freiner puis de les stopper. Concernant les Aïssaoua (et assimilés), lesquels vivent de la capture des serpents, je propose qu'il soient amenés à adopter des activités nouvelles qui pourraient, par ailleurs, leur offrir des revenus durables et substantiellement supérieurs à ceux qu’ils perçoivent actuellement. Ainsi, pourrait-on envisager de constituer un fonds d'indemnisation qui leur garantisse un revenu à vie, à condition de s'abstenir de commercialiser les serpents. Ils pourraient parallèlement se reconvertir en éco-guides qui montreraient les serpents dans la nature à des éco-touristes et ainsi partager leur savoir indéniable…

 Quant au montreurs de serpents de Marrakech et d'ailleurs, je propose qu'ils soient aidés à se recycler après une formation adéquate dans des activités aussi bien utiles que bénéficiant d’un prestige enfin mérité. Ces montreurs pourraient  gérer collectivement sous la forme d’une coopérative un vivarium** leur appartenant installé sur la Place Jemaa el Fna comprenant 4 pavillons. Dans le premier pavillon, ils pourraient présenter quelques espèces de serpents vivants dans des terrariums très bien entretenus respectant leurs besoins vitaux. Dans les pavillons 2 et 3, il pourrait y avoir dans un une exposition permanente de photos des reptiles du Maroc, et dans l’autre une exposition de photos de quelques arachnides (scorpions, araignées...), ainsi qu’une vente de brochures, de cartes postales et d’affiches présentant les serpents du Maroc. Et enfin dans le quatrième pavillon, des exposés pourraient être réalisés par les ex-montreurs («charmeurs»), lesquels présenteraient en différentes langues, selon les compétences des uns et des autres, à des heures indiquées sur une affiche quelques espèces de serpents. Ils expliqueraient, par ex., comment différencier une vipère d’une couleuvre, et un cobra d'une couleuvre et d'une vipère. À cette occasion, des manipulations de serpents pourraient être prévues. Dans tous les cas, les serpents venimeux n'auraient pas les crochets arrachés. Une assistance médicale et des sérums adéquats seraient disponibles. Une possibilité serait de s'abstenir de manipuler les serpents venimeux et de se limiter à la manipulation de couleuvres…

 

Un nouveau concept pour la Place Jemaâ El Fna

 Parallèlement à cela, je suggère aux autorités du pays et à celles de Marrakech de favoriser l’émergence d’un nouveau concept pour l’ensemble de la Place Jemaa el Fna, digne d'un pays moderne, lequel s’inspirerait de ce qui se fait par exemple maintenant à Barcelone***. La place pourrait, par exemple, accueillir des groupes musicaux, des groupes de danse de tout le pays comme des pays voisins (Mauritanie, Sénégal, Mali, etc.).

 Dans tous les cas, il s'agit d'abolir les spectacles de serpents, comme tous les spectacles animaux basés sur la maltraitance animale et le pillage de la biodiversité.

 Il faut en finir aussi avec la vente d’animaux vivants ou morts dans le souk de Marrakech, comme dans tous les autres souks et autre lieux visités par des touristes ou non. Les «herboristes», par ex., lesquels vendent pour les besoins en sorcellerie des animaux morts ou vivants. Parmi ces animaux, des espèces très menacées et condamnées à la disparition à brève échéance si rien n’est entrepris.

 

* Les spectacles des prétendus "charmeurs" sont interdits en Inde depuis déjà 1972.

** Ce vivarium pourrait reposer soit sur une structure stable soit sur une structure démontable...

*** Rappelons qu’à Barcelone, capitale de la Catalogne (Espagne), il existait dans un passé récent sur la Place del Pi des spectacles d’animaux où l’on présentait des singes magots. Si en Espagne où malgré l’opposition de beaucoup d’espagnols, les corridas demeurent une honte pour l’Europe, les Catalans ont ainsi montré qu’il y a des traditions qui peuvent être avantageusement jetées aux poubelles de l’histoire...

 

Michel AYMERICH

Ici à Marrakech. Ce malheureux cobra est certainement mort maintenant, arraché à son biotope pour être exhibé au mépris de toute considération de respect des espèces sauvages @Michel Aymerich
Ici à Marrakech. Ce malheureux cobra est certainement mort maintenant, arraché à son biotope pour être exhibé au mépris de toute considération de respect des espèces sauvages @Michel Aymerich
Là, dans un hôtel d'Agadir. Est-ce là la place d'un animal sauvage qui ne demande qu'à fuir ses bourreaux? @Michel Aymerich
Là, dans un hôtel d'Agadir. Est-ce là la place d'un animal sauvage qui ne demande qu'à fuir ses bourreaux? @Michel Aymerich

Halte au trafic illégal d’espèces protégées!

Signez la pétition!

"Cette pétition s'oppose aux pratiques qui n'ont plus lieu d’être: l'exploitation de serpents pour des fins "touristique", l'exploitation et trafic de singes, la vente et capture d'oiseaux et animaux dans un cadre non formel non contrôlé et non autorisé, la vente par les herboristes de peaux de carcasses d'animaux sauvages (et végétaux) menacés...Cette pétition est un appel aux autorités concernées pour qu'elles appliquent la loi en interdisant et en sanctionnant les contrevenants. Aussi nous lançons un appel à tous pour boycotter et dénoncer les "spectacles" et autres commerces qui exploitent des animaux vivants au Maroc. Avant qu'il ne soit trop tard, pour protéger notre patrimoine de biodiversité menacé."

https://secure.avaaz.org/fr/petition/Halte_au_trafic_illegal_despeces_protegees/

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